Ce programme, lancé par le Président Bouteflika en avril dernier, est-il menacé dans son exécution ? Certains observateurs économiques voient dans le déblocage d'une aide financière urgente aux sinistrés décidé par le Président, une entrave à la bonne exécution d'un plan qui conditionne la paix sociale et la relance économique. Après sa seconde tournée algéroise, le Président Bouteflika a décidé de consacrer une enveloppe conséquente de 175 milliards de dinars aux 13 wilayas affectées par les intempéries du 10 novembre dernier. Cette enveloppe a été ponctionnée sur les 525 milliards de dinars alloués au plan triennal du gouvernement Benflis, qui devrait permettre une lente et progressive concrétisation des projets économiques et sociaux à même de stabiliser l'économie algérienne. Or, selon ces observateurs, c'est l'ensemble du plan de relance qui est menacé, du moment que l'Etat a décidé de mettre la main à la poche, ce qui n'est pas réellement le cas. Cet argumentaire tient au fait que l'argent de la relance affecté aux 48 wilayas, dont précisément les régions touchées par les inondations, a été déjà engagé par les walis sur des projets économiques ou de développement local. Cette «ponction» handicaperait donc la concrétisation des projets en souffrance et réaffecterait cet argent frais et salutaire aux besoins de la réparation des dégâts causés par les intempéries. Sauf que cette analyse est contredite par la manière dont a été débloqué cet argent qui concerne, en premier lieu, la troisième année du plan triennal. L'argent consacré aux sinistrés est celui qui sera alloué dans le cadre du plan de relance économique en... 2004. Certains économistes arguent que cela revient pratiquement à la même chose et que l'Etat sera obligé d'aller puiser dans la cagnotte consacrée au plan de relance. Ce qui est en partie vrai. Néanmoins, l'enveloppe de 175 milliards de dinars sera, d'ici à l'échéance 2004, largement récupérable, ce qui équivaut à dire que le déblocage de cet argent au profit de la reconstruction de ce que la tempête a emporté n'a pas été décidé soudainement, mais que cette décision a été mûrement réfléchie au niveau du Président. L'Etat, se devant de répondre, constate l'ampleur des dégâts. Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a établi une première estimation à 22 milliards de dinars, dont 4 pour le seul secteur de l'éducation et l'autre dans le domaine du logement, des eaux, du réseau des télécommunications et des infrastructures. En débloquant la somme de 175 milliards de dinars, le gouvernement réagit en situation d'urgence du moment que l'argent est disponible grâce aux recettes pétrolières engrangées lorsque le baril de pétrole était au-dessus des 25 dollars. C'est d'ailleurs sur les recettes fiscales pétrolières que le plan de relance pourrait rebondir sur les trois prochaines années. Au gouvernement de débloquer les 2,1 milliards de dollars ponctionnés d'ici à 2004. Si les recettes pétrolières sont en baisse comme maintenant, puisque le baril risque de chuter sous les 10 dollars, selon le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, d'autres solutions de rechange ont été étudiées. Celle de reconsidérer les bud- gets affectés par secteur est celle qui serait la plus judicieuse. Avec l'argent de la cagnotte, certains secteurs d'activité ainsi que certains ministères mineurs ont eu une affectation budgétaire largement en dessus de ce qu'ils recevaient, lors des lois de finances précédentes. Ces budgets, qui s'étalent sur trois années, soit sur le plan triennal, peuvent être remaniés pour dégager le surplus d'argent consacré à la catastrophe. Ce rééquilibrage financier ne coûtera pas un centime à l'Etat du moment que l'argent concerné est déjà disponible et prévu. L'autre solution réside dans le fait que, malgré les imprévus, les réserves de change, qui ont atteint les 18 milliards de dollars en 2001, peuvent compenser aisément toutes ces dépenses que certains économistes oublient qu'elles sont tout d'abord dirigées vers des populations touchées par une calamité incroyable. Le Président Bouteflika a probablement agi sous l'emprise de la solidarité, mais n'a pas commis d'erreurs de gestion dans ce pas précis.