Le leader du parti Hezbollah Hassan Nasrallah L'Algérie a constamment pris soin de ne pas jeter de l'huile sur le feu, refusant les oukases contraires aux principes de la Charte de la Ligue arabe. Avant même de faire parapher par les ministres arabes de l'Intérieur la décision faisant du Hezbollah libanais une organisation «terroriste», l'Arabie saoudite, avec dans son sillage l'ensemble des monarchies du Golfe, avait multiplié les pressions sur le parti pro iranien, dans la perspective de l'isoler sur la scène régionale et de le punir pour son rôle en Syrie. Mais le Hezbollah n'est pas seul en cause, car c'est le Liban tout entier qui risque, à tout moment, de devenir une poudrière collatérale. Si l'Arabie saoudite a décidé d'en découdre avec la formation de Nasrallah, elle doit aussi s'interroger sur le financement de certains groupes terroristes, dont les rebelles au régime syrien alaouite. Fidèle à sa doctrine, l'Algérie a constamment pris soin de ne pas jeter de l'huile sur le feu, refusant des oukases conjoncturels et de surcroît contraires aux principes de la Charte de la Ligue arabe. Elle s'est, de ce fait, abstenue de cautionner la coalition militaire engluée aujourd'hui au Yémen et elle rejette l'opprobre monté de toute évidence contre le Hezbollah. Preuve de cette escalade programmée, Riyadh s'est tout d'abord attaqué à des médias, interdisant la diffusion par le satellite Arabsat, dont elle possède le contrôle, de la télévision al-Manar, une chaîne du Hezbollah. Parallèlement, les médias saoudiens se sont violemment attaqués à l'organisation chiite, l'affublant de tous les anathèmes. Crescendo, la stratégie a culminé le 19 février avec la suppression d'une aide de 4 milliards de dollars, destinée à l'équipement de l'armée libanaise, dont 3 milliards devaient concerner l'achat d'armes françaises au profit de Beyrouth. La motivation saoudienne est simpliste, invoquant le prétexte d'un «gouvernement libanais, otage du Hezbollah, (qui) a dérogé à l'unanimité arabe». Une unanimité que le royaume wahhabite entend imposer par la force des pétrodollars, passant de la coalition militaire à la mise à l'index d'un parti étranger qui siège au Parlement, participe à la vie politique libanaise et, surtout, constitue une force de résistance incontournable face à l'expansionnisme d'Israël, depuis des décennies. Le grief des Al Saoud est que le Liban s'est abstenu de voter en faveur de leur résolution au Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères, début janvier, condamnant la politique de l'Iran dans la région, et taxant le Hezbollah de terrorisme. Non contents de déchaîner alors leurs médias contre le Liban, les dirigeants saoudiens agitent la menace de plusieurs autres sanctions telles l'expulsion de milliers de travailleurs libanais en Arabie saoudite ou l'arrêt des liaisons aériennes entre les deux pays. Un coup qui serait fatal pour une économie libanaise durement affectée, les 260.000 Libanais qui travaillent en Arabie saoudite transférant, bon an mal an, 4,7 milliards de dollars. Riyadh a plongé dans un désarroi profond ses propres alliés, le gouvernement que préside Tammam Salam, une personnalité sunnite, le Courant du futur (CDF), principal parti sunnite, détenant d'importants portefeuilles, comme celui de l'Intérieur, avec ses Forces de sécurité intérieure (FSI) et d'autres services de sécurité influents, ou encore le leader sunnite Saâd Hariri à peine rentré d'exil. Revenu de sa surprise, le gouvernement libanais tente de calmer l'ire saoudite, une pétition initiée par Saâd Hariri faisant l'apologie de la «générosité» des Al Saoud. Cela n'a pas empêché une nouvelle crispation des rapports entre sunnites et chiites au pays du Cèdre. Hassan Nasrallah a, dans une intervention télévisée, procédé à une charge virulente contre l'Arabie saoudite, l'accusant d'être à l'origine de tous les maux de la région, de la Syrie au Yémen, en passant par les voitures piégées au Liban. Selon lui, le royaume «de connivence avec Israël, cherche à provoquer une discorde entre les sunnites et les chiites» et il continuera à dénoncer «les crimes des Saoudiens». Israël et les Etats-Unis sont évidemment ravis de la tournure des évènements, espérant des pressions accrues sur le Hezbollah, mais redoutant aussi que la stabilité du Liban ne soit brisée. Ban Ki-moon est donc attendu le 24 mars à Beyrouth pour tenter de calmer le jeu. Mais d'ici là, qui peut dire si le statu quo sera préservé?