Alger refuse de s'aligner sur les positions des Al Saoud Voulant déranger l'Algérie, Riyadh est en train de donner une résonance internationale de premier plan au problème du Sahara occidental. Jadis discret, parce qu'objet de discorde entre Arabes, le soutien des monarchies du Golfe à la thèse marocaine sur le dossier sahraoui est affiché avec ostentation. L'Arabie saoudite a exprimé son total alignement sur le camp du Maroc à partir de Rabat où le ministre saoudien des Affaires étrangères y avait fait une halte après un passage par Alger. Le Royaume wahhabite ne s'est pas contenté d'une déclaration de soutien de principe, tout en laissant le conflit à son niveau de gestion, c'est-à-dire l'ONU. Riyadh a dépassé les lignes rouges tracées par l'Organisation des Nations unies en annonçant un plan d'investissement dans les territoires occupés. Sachant que cette sortie intervient au lendemain de l'annulation d'accords commerciaux maroco-européens en raison justement de l'empiètement sur les droits des Sahraouis, l'Arabie saoudite entend s'imposer comme faisant partie du problème au côté du Maroc. Le défi «royal» ne s'arrête pas au déni de la réglementation internationale. Riyadh a mis les autres monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG) en ordre de bataille. Le soutien de cette organisation plus le royaume de Jordanie est clair et sans faille. Le Maroc qui bénéficiait déjà d'un accompagnement «efficace» au Conseil de sécurité grâce à la France, peut donc exhiber ces nouveaux quitus comme autant d'atouts à jouer dans une gigantesque partie d'échecs diplomatique où le Sahara occidental, pour nombre de joueurs, n'est qu'un pion qu'ils pourraient sacrifier selon les intérêts du roi. En effet, il faut dire que le soudain resserrement des monarchies moyen-orientales autour de Mohammed VI et l'acquiescement de Paris avec en prime une Légion d'honneur controversée, offerte au prince saoudien, ne peut s'expliquer par la simple visite du secrétaire général de l'ONU dans les camps de réfugiés et ses déclarations où le mot «occupation» est explicitement revenu. L'origine de la vindicte du roi remonte aux visites du ministre saoudien des Affaires étrangères de l'Intérieur, à Alger. Ce dernier étant le principe héritier, son propos devait peser lourd dans les relations entre Alger et Riyadh. Il faut dire que les deux missions intervenaient dans un contexte régional particulier où l'Arabie saoudite entendait régenter le Monde arabe. Son pacte militaire arabo-islamique et sa guerre sans merci contre les Houtis, la défiance qu'elle développe à l'endroit de l'Iran, et surtout, le refus d'Alger de considérer le Hizbollah comme une organisation terroriste, constituent autant de points de divergence avec l'Algérie. Le niet d'Alger à toutes les propositions du Royaume wahhabite, a fortement irrité le roi Salmane Ben Abdelaziz qui ne semble pas supporter qu'on s'oppose à sa volonté de domination du Monde arabe. Même si le bras de fer diplomatique n'a pas pris des proportions publiques, les officiels des deux pays évitant la guerre des mots, la colère du roi s'exprime par voix interposée dans les nombreuses chaînes satellites acquises au wahhabisme où l'Algérie est traitée de tous les noms d'oiseaux. Le pendant «opérationnel» de cette même colère s'exprime ces derniers jours à travers cette série de défiances et ces soutiens ostentatoires en faveur du Maroc contre la République sahraouie. D'ailleurs, le Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui ne se trompe pas en relevant que l'ingérence des monarchies arabes dans le dossier sahraoui n'a d'autres objectifs que celui de punir l'Algérie pour n'avoir pas accepté l'agenda guerrier de l'Arabie saoudite. Dans un communiqué rendu public hier, le Comité de solidarité avec les Sahraouis, affirmait entre autres que la décision d'investissement dans les territoires sahraouis occupés est «prise surtout après le refus de l'Algérie de s'inscrire dans l'initiative d'un groupe de pays arabes pilotés par l'Arabie saoudite d'étiqueter le Hezbollah libanais comme organisation terroriste». Il est ainsi déploré que la cause sahraouie soit le «gourdin» avec lequel Riyadh veut frapper Alger pour la soumettre à son diktat. Ce mélange du genre entre un problème de décolonisation sous l'égide de l'ONU et les relents bellicistes d'un roi, à peine intronisé, font monter la pression dans la région et remettent au-devant de la scène mondiale la question sahraouie qui, à la faveur de ce développement, doit trouver une issue assez vite. En d'autres termes, voulant déranger l'Algérie, Riyadh est en train de donner une résonance internationale de premier plan au problème du Sahara occidental. Lorsqu'on sait qu'une écrasante majorité des pays de la planète soutient le principe de l'autodétermination sous l'égide de l'ONU, on en arrive à penser que l'initiative du CCG peut lui revenir à la figure comme un boomerang. En fait, en voulant mettre l'Algérie en minorité parmi les nations arabes sur le dossier sahraoui, les pays du Golfe risquent de se mettre eux-mêmes en minorité par rapport au reste de l'humanité.