Le Conseil présidentiel libyen passe à l'acte La situation a dangereusement évolué dans la région, en défaveur des pays voisins, directement menacés par l'insécurité qui prévaut en Libye. Inquiet de la lenteur avec laquelle le Parlement de Tobrouk «préparait» depuis plus de trois semaines le vote de confiance de la seconde liste composée de 18 minis-tres, remplaçant celle de 30 préalablement rejetée aussi bien par les instances reconnues que par celles de Tripoli, le Conseil présidentiel, un organisme composé de membres de factions rivales sous l'égide de la médiation onusienne, a proclamé unilatéralement samedi l'entrée en fonction de ce gouvernement d'union nationale que l'Onu et la communauté internationale appelaient de leurs voeux depuis des mois. Dans un communiqué diffusé samedi soir, le Conseil que préside le Premier ministre Fayez al Serraj a appelé les institutions libyennes «à prendre contact immédiatement avec le gouvernement d'union afin de mettre en place les modalités de passation des pouvoirs de manière pacifique et organisée». Il a aussi et surtout demandé à la communauté internationale, aux organisations internationales et régionales, en particulier l'ONU, la Ligue arabe, l'Organisation de la conférence islamique, l'Union africaine et l'Union européenne de «cesser toute relation avec les autorités exécutives ne découlant pas du gouvernement d'union». Or, on voit mal comment va réellement s'imposer sur le terrain cette instance, si elle n'est pas effectivement appuyée par les deux gouvernements qui s'affrontent pour le pouvoir et dont l'un est à Tripoli, appuyé par les milices islamistes de Fadj Libya, et l'autre à Tobrouk, seul reconnu au plan international. Le pays risque donc de se trouver avec un troisième gouvernement, dirigé par l'homme d'affaires libyen Fayez al-Sarraj basé au Maroc et dont les 18 ministres pressentis sont éparpillés dans différentes régions, pour la plupart, et, pour certains autres, hors de Libye. La pression conjuguée des Nations unies, des pays occidentaux et du Groupe des pays voisins a sans doute joué en ce sens, puisque le gouvernement d'union nationale était accepté par certains membres des factions rivales tout en étant rejeté par d'autres. Créé en vertu de l'accord conclu en décembre dernier, sous la médiation onusienne, le Conseil présidentiel a pour mission de proposer le gouvernement d'union nationale et c'est bien ce qu'il a fait. Sauf que, depuis le 25 janvier, date à laquelle sa première proposition avait été rejetée sous des motifs plus ou moins fallacieux, tous les clignotants sont au rouge quant à la volonté commune de Tobrouk et de Tripoli de contrecarrer l'initiative. Or, la situation a dangereusement évolué dans la région, en défaveur de deux des pays voisins directement menacés par l'insécurité qui prévaut en Libye. Il y a eu les attaques de Ben Guerdane, en Tunisie, et il y a eu l'opération antiterroriste de l'ANP, à Guemmar (entre les communes de Kounine et de Ouermess), dans la wilaya d'El Oued, durant laquelle trois membres de l'EI ont été abattus et un lot d'armes important a été saisi, dont des AKM en parfait état, des chargeurs en bakélite et en acier très propres, des fusils emballés, des PKM qui ont connu le feu à peine et, bien plus inquiétant, un lance-roquettes thermobarique RPO Shmel, qui ne figure pas dans la dotation de l'armée algérienne, mais qui a été vu sur le marché noir de Tripoli. Enfin, il y a les cinq lance- roquettes anti-chars, que l'on a confondus sommairement avec des RPG27, et qui sont en fait des ATGM chinois, de type WPF 89-2 livrés illégalement aux milices de Fadjr libya, par un réseau de trafics d'armes, selon un site spécialisé en matière de renseignements stratégiques. Le Conseil présidé par Al Serraj ayant vu sa seconde proposition «gelée», depuis février, au motif que «le quorum n'a pu être atteint» au Parlement de Tobrouk, bien que soutenu par une centaine de «députés» quand beaucoup d'autres ont cédé, disent-ils, aux «menaces» et «au chantage», a-t-il été encouragé dans sa démarche de promulguer unilatéralement l'entrée en vigueur du gouvernement d'union? La montée des tensions sur les frontières nord-est et sud-est de la Libye tend à conforter cette hypothèse, car il devient intenable pour les pays voisins, comme pour les pays européens du sud de la Méditerranée, d'attendre cette hirondelle qui ne fera pas d'ailleurs le printemps. Or, la fin des intempéries et le risque d'un embrasement interne du front libyen signifient un regain de flux de migrants sur les côtes italiennes, sans compter les craintes des attentats terroristes dans la sous-région maghrébine et en Europe du sud, d'où l'urgence d'un gouvernement habilité à solliciter l'intervention militaire internationale qui aura acquis ainsi son indispensable légitimité. Mais est-ce vraiment la bonne solution? Des expériences récentes sont là pour indiquer tout le contraire. Des sanctions seront prises contre les opposants à la réconciliation Les Occidentaux soutiennent le nouveau gouvernement Les Etats-Unis, la France, l'Italie, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont appelé dimanche le nouveau gouvernement libyen à s'installer rapidement à Tripoli et menacé les opposants à la réconciliation nationale de sanctions, dont les Européens discuteront lundi à Bruxelles. «Nous appelons toutes les institutions publiques libyennes à faciliter un transfert ordonné et pacifique du pouvoir afin que les nouveaux dirigeants libyens puissent commencer à gouverner à partir de la capitale», a déclaré le secrétaire d'Etat américain John Kerry à l'issue d'une réunion à Paris. L'appui d'une partie des responsables politiques libyens au gouvernement d'union nationale de Fayez al-Sarraj doit «se traduire rapidement par de premières mesures pour établir ce gouvernement à Tripoli», a ajouté son homologue italien Paolo Gentiloni. Le conseil présidentiel, composé de membres de factions rivales libyennes, a proclamé samedi l'entrée dans ses fonctions du gouvernement d'union nationale qu'appelle de ses voeux l'ONU, bien qu'un vote de confiance requis du Parlement n'ait pas eu lieu. Il a dit se baser sur le soutien d'une centaine de membres du Parlement reconnu par la communauté internationale. Faute de quorum, ce Parlement, basé à Tobrouk (est), n'a pu se réunir en février pour voter la confiance. La France pointe la responsabilité du président de la chambre, Aguila Saleh, dans ce blocage. Les ministres des Affaires étrangères des cinq pays représentés à la réunion de Paris ainsi que la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini ont agité la menace de sanctions contre ceux qui s'opposent au processus.