Malgré cette invite, les réfugiés ne sont pas aussi bienvenus qu'on le suppose en Europe Plusieurs dirigeants européens étaient engagés hier dans une tentative de dernière minute pour trouver un consensus sur un plan controversé avec la Turquie destiné à juguler le flux migratoire, à la veille d'un sommet compliqué à Bruxelles. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker devait recevoir dans la soirée le chef de l'Etat chypriote Nicos Anastasiades qui a menacé de torpiller ce projet d'accord UE-Turquie critiqué par de nombreux acteurs et porté par la chancelière allemande Angela Merkel. Le président du Conseil européen Donald Tusk, qui s'est heurté aux réticences chypriotes, a reconnu, à l'issue d'un entretien à Ankara avec le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, que le chemin vers un accord restait semé de nombreuses embûches avant le sommet des 28 prévu aujourd'hui et demain. Ce plan est controversé tout d'abord sur le plan juridique, étant donné que tous les migrants qui se rendraient illégalement en Grèce depuis la Turquie seraient expulsés. En échange, l'UE accueillerait un réfugié syrien pour chaque clandestin syrien renvoyé en territoire turc. Or, pour l'ONU, des ONG et certains Etats membres ce mécanisme correspond à une expulsion collective, interdite en droit européen. M.Tusk a admis que cet aspect était «problématique». Par ailleurs, les détracteurs du projet jugent qu'il reviendrait à soumettre l'UE au diktat du président turc Recep Tayyip Erdogan, accusé de dérive autoritaire. Hierr, trois universitaires turcs ont été placés en détention pour «propagande terroriste» après avoir signé une pétition dénonçant les violences de l'armée dans ses opérations contre les rebelles kurdes. Enfin, la Turquie réclame en contrepartie de son aide à la lutte contre les migrants illégaux le doublement de l'assistance européenne, à six milliards d'euros, ainsi qu'une accélération de ses négociations d'accession à l'UE - actuellement bloquées - et de suppression des visas pour ses ressortissants souhaitant circuler en Europe. Chypre, en contentieux avec Ankara depuis des décennies en raison de la partition de l'île, a menacé de bloquer l'ouverture de tels pourparlers. La France, par la voix de son Premier ministre Manuel Valls y est allée aussi de son coup de canif, assurant que Paris prônerait au sommet une «coopération efficace» avec Ankara mais refuserait «le moindre chantage» de la Turquie. De son côté, Mme Merkel devait défendre hier sa position devant les députés allemands à Berlin. Malgré une défaite cinglante lors d'élections régionales dimanche, du fait de sa politique d'accueil des réfugiés, elle a prévenu cette semaine qu'elle ne changerait pas de position. Face aux critiques dans son propre camp sur son rapprochement avec Ankara, elle a assuré lundi que l'accord dont elle est l'architecte n'est pas un chèque en blanc à la Turquie. «Il est très important de dire que la Turquie doit remplir toutes les conditions sans exception», a-t-elle assuré, «il n'y a pas de +oui+ (automatique) à l'intégration (à l'UE) qui soit lié aux discussions actuelles sur la protection des frontières extérieures». Enfin, la chancelière, opposée aux solutions «nationales» et au plafonnement du nombre de réfugiés acceptés en Europe, devrait toujours appeler devant les députés à la solidarité et au respect des valeurs européennes, alors que des dizaines de milliers de migrants sont coincés en Grèce après la fermeture de la route migratoire des Balkans. La chancelière a cependant admis que son pays profitait de cette fermeture, le nombre des arrivées de demandeurs d'asile étant en chute libre alors que l'Allemagne en a accueilli 1,1 million en 2015. De son côté le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu s'est défendu d'exercer tout chantage assurant ne pas «marchander pour de l'argent».