Le problème est que les deux gouvernements rivaux de Tobrouk et de Tripoli sont tombés d'accord, pour la première fois, pour récuser le gouvernement d'union adoubé par la médiation onusienne. C'est un véritable dilemme auquel se trouvent confrontés le Groupe des pays voisins et la médiation onusienne. Le dossier libyen est devenu une obsession de tous les instants sans qu'une éclaircie n'apparaisse véritablement. La réunion qui s'est tenue mardi dernier à Tunis aura au moins permis aux ministres des Affaires étrangères de réitérer leur soutien au processus de règlement politique de la crise libyenne et leur refus d'une intervention militaire dans le pays, convaincus que cette option «ne fera qu'aggraver la situation» dans la région. L'objectif des participants est également affiné, puisqu'il s'agit de faire en sorte que le gouvernement d'union nationale de Fayez Al-Serraj soit enfin adoubé par le Parlement de Tobrouk, d'une part, et qu'il puisse s'installer à Tripoli, d'autre part, pour se mettre au travail. Le problème est que les deux gouvernements rivaux de Tobrouk et de Tripoli sont tombés d'accord, pour la première fois, pour récuser le gouvernement d'union adoubé par la médiation onusienne. Telle est l'équation que doivent résoudre l'Algérie, la Tunisie, le Tchad, le Niger, le Soudan et l'Egypte, ainsi que les pays occidentaux présents dans l'ombre. L'Union européenne, l'ONU, via son représentant Martin Kobler, et la Ligue arabe sont également de la partie. Plusieurs cercles, s'exprimant à demi-mot, estiment depuis deux mois environ, qu'une «intervention militaire s'impose». Telle n'est pas la position du duo algéro-tunisien qui partage la même analyse de la situation et considère qu'une intervention militaire risquerait d'éparpiller la crise libyenne dans toute la sous-région maghrébine et sahélienne déjà gravement menacée par le terrorisme. La crainte d'un «In Amenas bis» (40 morts, en janvier 2013)hante de plus en plus les esprits en Algérie. En Tunisie, également, les incidents ne cessent de se multiplier. Après Ben Guerdane où le ratissage se poursuit toujours, les policiers ont eu des heurts avec des hommes armés au poste frontalier de Sakiet Sidi Youssef, dans le gouvernorat du Kef, et au mont Djebel Semmama, lors d'accrochages entre militaires et hommes armés. Une situation sécuritaire à laquelle la Tunisie ne s'est jamais préparée alors que les attaques viennent de tous les côtés. En Egypte, la menace est apparemment circonscrite au Sinaï où treize policiers ont été tués dimanche lors de l'attaque d'un poste de contrôle par le groupe Etat islamique. Et, plus largement, l'attaque contre la délégation de l'UE à Bamako, lundi soir, achève la boucle selon laquelle le drame libyen affecte tout autant l'Afrique que l'Europe. Réclamée par la Tunisie, cette 8ème réunion du Groupe des pays voisins avait du pain sur la planche avec la question, devenue problématique, du Gouvernement d'union nationale présidé par Al Serraj. Installé à Tunis, le Conseil présidentiel né de l'accord de Skhirat parrainé par l'ONU et son gouvernement d'union sont déclarés persona non grata par Tripoli où Fadjr Libya, organisation structurée en politiques, milices et autres brigades révolutionnaires, a des conditions non négociables. Contrairement au Parlement et au gouvernement de Tobrouk, reconnus par la communauté internationale, qui traînent les pieds sans être farouchement hostiles, Fadjr Libya refuse catégoriquement la présence du général Khalifa Haftar et pourrait accepter du bout des lèvres Al Serraj pour peu que ses exigences soient d'abord satisfaites. On le voit, le nid de frelons est tel qu'une solution consensuelle paraît aléatoire encore aujourd'hui. Soutenu par l'Egypte d'Al Sissi, armé et financé par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, Haftar ne suscite pas l'enthousiasme des Occidentaux qui, non seulement doutent de son efficacité contre l'EI et encore moins les milices islamistes de Fadjr Libya, mais encore le soupçonnent de freiner l'aval de Tobrouk à l'installation du gouvernement d'union. La chose a son importance car les pays occidentaux piaffent d'impatience pour obtenir l'appel du gouvernement Al Serraj à la rescousse, ce qui leur permettra de reprendre pied de manière «légale» en Libye, y apportant armes et conseils pour combattre Daesh. Les attentats de Bruxelles ont conféré à cet objectif un caractère d' urgence absolue. Les métastases terroristes, dans la sous-région maghrébine et au Sahel, ont atteint un degré tel qu'elles minent la sécurité intérieure du Groupe des pays voisins, ainsi que leur économie d'ailleurs, mais elles ont aussi enfanté un monstre dont l'ombre grandissante pèse de plus en plus sur le continent européen...