Une simple phrase émanant d'un «policier incompétent» pouvait briser la carrière d'un cadre. Décidément, la notion d'Etat de droit progresse à pas de géant dans notre pays. Se basant sans doute sur les recommandations de Farouk Ksentini, chargé par le président Bouteflika de la promotion des droits de l'homme en Algérie, le directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, a lancé à partir de Blida un véritable pavé dans la mare. Il a en effet, à l'occasion d'un séminaire sur les fondements juridiques et les modalités de l'enquête judiciaire, clairement annoncé «la destruction de nombreux dossiers relatifs aux cadres de la nation». Sur la lancée, l'annonce est faite sur «la prochaine destruction du restant des dossiers». Ceux-ci sont, pour ne pas dire étaient, au nombre de plusieurs milliers. La raison en est toute simple. Ce genre de rapports, bien souvent fantaisistes, disposaient pourtant d'assez de pouvoir pour briser définitivement la carrière de cadres compétents et prometteurs au service de la nation. C'est, du reste, ce qu'a déclaré le Dgsn, rendant un hommage appuyé à ces hommes et , sans lesquels l'Etat se serait peut-être écroulé. Il révèle ainsi que «certains de ces cadres ont souffert d'un système, ont souffert d'une mentalité, mais ils ont aussi été laissés pour compte par le régime politique». Venu inaugurer ce séminaire dans le but manifeste de faire cette annonce et, partant, d'amorcer officiellement ce tournant historique, Ali Tounsi, aux yeux de nombreux observateurs, a fait montre de beaucoup de rectitude morale et de courage, confirmant au passage le maintien du cap visant à aller vers une véritable police de proximité, basée sur l'instauration d'une grande confiance entre elle et les populations. L'importance des nouveaux choix faits par la police algérienne et, partant, par le gouvernement puisque ce corps est placé sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, se mesure à l'aune des révélations faites par Ali Tounsi dans son allocution. Ce dernier, en effet, est allé jusqu'à «déplorer le manque de professionnalisme et de rigueur dans le traitement des enquêtes administratives destinées à donner des avis de sécurité pour permettre aux cadres d'avoir accès à des fonctions ou à des promotions». Or, cette mission, partant à l'origine d'une volonté très noble, a vite fait de dévier, comme le confirme le Dgsn lui-même: «Malheureusement, les services de sécurité qui devaient traiter ces dossiers ont failli à leur devoir et sont devenus coupables de dépassements et de déviations graves vis-à-vis des cadres algériens.» Le long chapelet des révélations, témoignant on ne peut mieux de la sincère volonté de la police algérienne de se confiner à ses véritables missions constitutionnelles, se poursuit sur ces faits: «Des cadres de haute valeur ont été révoqués et se sont même enfuis à l'étranger sur simple délation d'un petit rapport établi au conditionnel par un agent de sécurité incompétent.» Ainsi donc, «une simple phrase pouvait casser définitivement la carrière d'un cadre». Tounsi, qui révèle au passage avoir défendu ces nouvelles orientations depuis le début, prouvant par là qu'il est l'homme grâce à qui la police établira sa véritable symbiose avec les populations, souligne avoir «maintes fois martelé qu'un faux renseignement glissé sciemment dans un dossier équivaut à trente ans de sanctions». Les choses vont changer désormais. M.Ali Tounsi martèle que «la police algérienne va prendre en compte les péripéties de leurs carrières (les cadres. Ndlr) tout en respectant l'Etat de droit». La police, dès lors, a établi, selon les propos du Dgsn, «un canevas de renseignements sur les cadres algériens qui leur permettra d'accéder à des postes de responsabilité tout en respectant strictement les lois de la République régissant les enquêtes d'habilitation administratives». La police a entrepris sa mue, y compris dans le cadre de la lutte contre le banditisme, la délinquance et la sécurisation des populations, depuis le recul très notable du terrorisme. Un pas de plus vient d'être franchi en direction d'une police authentiquement, citoyenne et résolument au service du citoyen.