La guerre à la mafia est bel et bien ouverte, celle-ci promet l'écriture de véritables pages épiques dans l'histoire de notre pays. Fait inédit dans les annales algériennes, s'il en fut, le président Bouteflika a dérogé au «protocole» tacite lié à la prière de l'Aïd. Au niveau de la Grande Mosquée d'Alger, où il s'est acquitté de ce devoir religieux, le chef de l'Etat s'est en effet entouré de citoyens anonymes, n'ayant absolument rien à voir avec le «gratin» habituel, qui a pour habitude de se trouver aux premiers rangs, lors de pareilles cérémonies. Message politique on ne peut plus clair, Bouteflika, fort de ses 84,99 % de suffrages exprimés en sa faveur lors de la présidentielle d'avril 2004, semble avoir voulu signifier par là que sa véritable force et ses grands soutiens lui viennent du peuple, et uniquement de lui. Mais là n'est pas la seule nouveauté dans les traditions républicaines et démocratiques qu'oeuvre à instaurer le premier magistrat du pays. A la fin de la prière, en effet, il a reçu les voeux de ces «petites gens» dont beaucoup étaient également porteurs de lettres de doléances. Ici, de nombreuses lectures, complémentaires comme de juste, s'imposent à l'analyse. Bouteflika, en recevant les lettres de doléances, avant de les transmettre à son protocole, admet tacitement que «l'ensemble de ces citoyens ont épuisé l'ensemble des autres formes de recours avant d'en arriver à cette extrémité». Une façon également indirecte de souligner que «les passe-droits demeurent encore légion dans notre pays». Ce n'est donc pas innocent si le chef de l'Etat, qui commentait régulièrement les brèves entrevues qu'il accordait aux citoyens, a martelé avec force que «chacun d'eux recouvrera ses droits, fût-ce contre les plus puissants des hommes de ce pays». Visiblement résolu à mener à bien son vaste plan portant instauration d'un Etat de droit véritable dans le pays, le président Bouteflika a conclu en disant ceci: «Je n'ai peur de personne.» Une phrase, somme toute, lourde de sens pour qui sait que les jeux de clans, les puissances d'argent et les passe-droits ont depuis toujours présidé à la gestion des affaires de la cité, dans lesquelles le petit citoyen n'a presque jamais droit de... cité. Le geste du président, il faut le dire, est avant tout symbolique puisqu'il lui est matériellement impossible de prendre en charge personnellement l'ensemble des doléances des citoyens. Il s'agit avant tout d'un message très fort en direction de l'ensemble des institutions du pays afin qu'elles se conforment désormais au respect strict des lois de la République, et que cessent définitivement les dénis de droit dont sont bien souvent victimes ceux qui ne sont pas suffisamment «épaulés». Il convient également de relever que l'action du président est loin d'être isolée puisqu'elle s'emboîte merveilleusement bien avec d'autres actions qui se sont produites cette dernière semaine dans le pays. La première est, bien entendu, la sortie fracassante du directeur général de la Sûreté nationale. Ali Tounsi, agissant sur la base de recommandations expresses formulées par Farouk Ksentini, représentant personnel de Bouteflika concernant la défense et la promotion des droits de l'homme, a annoncé la destruction de milliers de faux dossiers dressés par des policiers parfois souvent incompétents, parfois malintentionnés, dans le but de briser les carrières des meilleurs cadres de la nation algérienne. Un véritable pavé dans la mare a ainsi été lancé à cette occasion puisque, comme l'admet M.Tounsi lui-même, il suffit qu'une fausse information soit glissée dans un rapport pour que la carrière du concerné s'arrête définitivement, signifiant par là une sorte de condamnation à trente années de mise à l'écart, d'exil, de dépression ou même d'emprisonnement arbitraire comme cela a été le cas durant la chasse aux sorcières des années 90. Le retour de la police à ses missions originelles et constitutionnelles pose bel et bien le plus important des jalons vers l'établissement d'un véritable Etat de droit où nul ne se placera plus jamais au-dessus des lois de la République et de la justice. Loin d'être en reste, cette dernière, en pleine réforme et mutation, a décidé de donner un méga-coup de pied dans la fourmilière de la mafia du foncier agricole et forestier. C'est le ministre de la Justice lui-même qui en a fait l'annonce, poussant le courage jusqu'à décréter que c'est l'affaire Bouchaoui, impliquant des «grosses légumes» de la «nomenklatura» présente et passée, qui sera abordée en premier. La mafia, en pleine débandade, vit très probablement ses derniers moments dans la forme quasi légale où elle a toujours sévi dans le pays. Les jours à venir promettent d'être très riches en évènements et en rebondissements.