Il refuse de voir dans le douloureux épisode des cadres incarcérés, un acte délibéré d'un clan au pouvoir. Interpellé par l'actualité politique qui appelle nécessairement une intervention de sa part pour ne pas rester en rade de la scène nationale, Ahmed Ouyahia s'est exprimé sur les derniers sujets qui ont fait la Une et largement commentés par nombre de personnalités politiques. Absent du meeting organisé par le FLN et ses nouveaux alliés, le patron du RND n'en n'était pas moins cité dans la presse et même au sein même de la Coupole du complexe sportif Mohamed-Boudiaf, lieu de la manifestation de soutien au président de la République. Une absence que le secrétaire général par intérim du RND a tenté d'expliquer sans «complexe» en rappelant le soutien indéfectible de son parti au président Bouteflika, aux toutes premières heures de sa candidature au premier mandat, à ce jour. Ahmed Ouyahia qui n'a pas estimé important de commenter la manifestation qui n'a regroupé que deux partis du gouvernement, le FLN et TAJ, a néanmoins abordé le fameux épisode des cadres incarcérés. Clairement accusé par Amar Saâdani d'être responsable de la cabale montée contre nombre de directeurs de grandes entreprises publiques, Ouyahia a répliqué en s'affranchissant de pareilles accusations. Il a abordé le sujet en suivant la logique de son accusateur, à savoir par le biais de la désormais affaire Chakib Khelil. Il a ainsi défendu la thèse de l'innocence de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines et chargé «poliment» le procureur général d'avoir délivré un mandat d'arrêt international à son encontre. Sur le sujet, l'ex-Premier ministre a pris le soin de rappeler l'irrégularité de la démarche en évoquant une instruction qu'il a lui-même signée au tout début des années 2000 au temps où il avait campé le poste de ministre de la Justice. Frappant de nullité la procédure judiciaire contre Khelil, Ahmed Ouyahia a abordé, comme Amar Saâdani, le «drame» des cadres incarcérés. Il a, à ce propos, nié toute responsabilité dans la chasse aux sorcières qui a conduit des dizaines de responsables d'entreprises derrière les barreaux, sans qu'aucune charge ne soit effectivement prouvée contre eux. Certains ont passé plusieurs années en prison pour, en fin de compte, être reconnus innocents. Le patron du RND qui n'a pas voulu citer des noms, a tout de même dérogé à la tradition qu'il s'impose, en affirmant avoir contacté des cadres innocentés pour leur proposer la direction des plus importantes entreprises publiques du moment. Preuve, à le croire, qu'il n'avait pas une main dans l'opération qui a détruit des compétences et provoqué d'innombrables drames familiaux. Ahmed Ouyahia n'en dira pas plus, se contentant d'espérer que d'autres erreurs du genre ne soient pas commises dans le futur. Il invoquera, pour ce faire, l'article de la loi de finances 2016 qui oblige la justice à n'ouvrir une enquête judiciaire que sur la base d'une dénonciation des organes sociaux des entreprises. Et comme pour signifier que cette disposition ne signifiait pas une prime à la gabegie, il fera remarquer que le Conseil des participations de l'Etat, présidé par le Premier ministre, était également un organe social, donc susceptible de déposer plainte contre un dirigeant d'entreprise en cas de détournement de deniers publics. L'ex-Premier ministre a trouvé les mots pour expliquer les mécanismes administratifs et judiciaires qui avaient contribué, à l'époque, à une grave dérive à l'origine d'une des plus importantes blessures ayant fait plonger l'économie du pays. Il faut dire que les arrestations massives de cadres ont mis à genoux des dizaines d'entreprises publiques. Il reste néanmoins qu'Ahmed Ouyahia, contrairement au secrétaire général du FLN, refuse de voir dans le douloureux épisode des cadres incarcérés, une tentative délibérée d'un clan au pouvoir. A l'entendre, c'est un simple dysfonctionnement qui a conduit à la catastrophe. Aussi, il n'est pas dans une posture de recherche de la vérité sur le dossier. Amar Saâdani ne se fera pas prier pour revenir à la charge sur ce dossier précisément. Aussi, la réponse d'Ouyahia risque de passer inaperçue dans le flot de critiques que déversera certainement le patron du FLN. En choisissant «la sagesse» dans la gestion du bras de fer qui l'oppose à Saâdani, Ouyahia doit s'attendre à d'autres attaques. Des arguments, il va lui en falloir un paquet pour répondre «intelligemment» aux coups de son frère ennemi.