img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P160413-07.jpg" alt=""Les ksour doivent être entretenus d'abord par les habitants"" / Il est architecte et représentant du Centre algérien du patrimoine culturel bâti en terre (Capterre). Nous l'avons rencontré pendant la «Caravane: les ksour racontent» à laquelle nous avons eu la chance de participer à Ouargla du 26 mars au 3 avril dernier, sur initiative de l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés (Ogebc). M.Alaeddine Belouaar évoque avec nous le rôle et les actions de Capterre et nous livre sa vision des choses sur les architectures de terre en Algérie. L'Expression: Vous êtes représentant de Capterre, pourriez-vous nous présenter ce centre brièvement... Alaeddine Belouaar: C'est un établissement étatique à caractère administratif, sous la tutelle du ministère de la Culture. Sa mission initiale est de réhabiliter l'image des architectures de terre. Beaucoup la voient comme une architecture de pauvre, de misère, mais pas du tout moderne ou prête à se moderniser. Justement, vous avez déclaré qu'elles sont pensées comme des maisons de pauvres, que faites-vous concrètement pour faire changer les mentalités des habitants de ces régions? On travaille sur des campagnes de sensibilisation, surtout avec les enfants. L'avenir du pays. Il faut qu'ils sachent que les architectures de terre sont pérennes. Les traces des architectures de terre sont toujours là malgré le fait de la vie moderne ayant été apportée par la révolution industrielle. L'architecture de béton a à peine deux siècles. L'architecture de terre, elle, a l'âge de l'humanité. On travaille avec les enfants pour qu'ils sachent comment la manipuler, ils la touchent. On travaille avec les acteurs publics, les bureaux d'études et toutes les sociétés qui travaillent avec le marché de construction. On organise des formations autour des différentes techniques modernes de construction. Ici à Ouargla, les gens ne construisent plus dans les normes anciennes, on dit que pour ce faire, les matériaux coûtent cher. Qu'en est-il vraiment? Le vrai problème est que les gens ont perdu leur savoir-faire. Il y eut une rupture. Comment expliquez-vous cette rupture? Il n'y a plus de nouvelles constructions avec la terre; donc son marché est mort. Par contre, le marché du béton est subventionné par l'Etat. Le carburant est presque gratuit. Le ciment est subventionné. L'Etat fait des projets avec des matériaux industriels. Quand l'habitant voit ça, il dit qu'elle est bonne pour lui. Or, c'est tout à fait le contraire. Nous, on veut influencer les gens qui construisent, qui travaillent avec le ministère du Travail et tous ceux du secteur de l'habitat. Pour rappel, à la fin de l'année 2014 nous avons invité des sociétés internationales à Adrar, à travailler avec des ingénieurs de la direction de l'habitat, des formations autour des différentes techniques de la terre ont été montées, avec des travaux sur le terrain et on a exploré les capacités des matériaux. Comment voyez-vous ou expliquez-vous qu'il y ait une certaine volonté de restauration ici mais les gens jettent la pierre sur le ministère de la Culture qui ne fait pas son travail? On dit aussi d'un autre côté qu'il y a un travail aussi qui se fait avec le ministère du Tourisme via les associations. Pourtant, cette dynamique nous ne la constatons pas vraiment sur le terrain. Êtes-vous, vous-mêmes en contact avec la communauté locale qui souhaite restaurer les ksour? Le patrimoine bâti avec les matériaux locaux en Algérie est mort. Dans chaque commune qu'on a vue à Ouargla il y a pourtant plein de ksour. La conservation des ksour doit émaner du citoyen, de l'habitant. Ce n'est pas l'Etat qui va subventionner tout. Même avec les efforts du ministère de la Culture, avec toutes les subventions de restauration qui coûtent cher, les gens quittent leurs maisons. Cette politique de restaurer et de dépenser de l'argent n'a pas atteint ses objectifs. Ils construisent une nouvelle maison à côté avec des matériaux industriels. C'est toujours une histoire de croyance et d'image qu'ils ont des ksour. Ils croient toujours que c'est un foyer de misérables. Peut-être parce qu'il n'y a pas les commodités à l'intérieur? Bien sûr il faut travailler dans une stratégie globale, introduire les commodités modernes. En même temps on ne peut pas transformer tous les ksour en musées et en centres historiques. La politique doit être étudiée selon chaque cas et selon l'habitant. Par exemple on a une équipe qui travaille actuellement avec les autorités sur la commune de Biskra. Un chantier a été mis en place pour restaurer une maison avec un petit restaurant. Elle va accueillir des gens. Les habitants autour vont faire la même chose car la terre est bonne. Il faut que les habitants aient cette doctrine dans leur tête. Ils vivent dans un trésor. Mais cela nécessite un entretien, que les habitants restent chez eux. Il faut qu'ils en prennent conscience. On sent un certain favoritisme concernant Timimoune. On a l'impression qu'on donne plus d'importance à l'habitat dans cette région en raison de son aspect touristique avantageux comparé à Ouargla... En général notre travail commence par la région de voisinage. Nous avons ouvert notre centre en 2014 à Timimoune. On a travaillé beaucoup sur la sensibilisation, la récolte du savoir-faire, l'identification du patrimoine, on travaille avec les jeunes recalés du système scolaire. On leur fait faire des formations de sculpture sur la terre crue, des jeunes de moins de 15 ans. C'est un savoir-faire ancestral, transmis d'une génération à une autre, sans aucune école. On essaye aussi de recueillir tous les intervenants, maçons, et entreprises qui travaillent sur la terre. On a établi une liste de gens qui travaillent avec les matériaux locaux. On a fait des portes ouvertes sur les métiers avec les architectures de terre. A Timimoune nous avons aussi aidé une association qui a travaillé avec l'Union européenne, nous l'avons assistée techniquement. On participe aussi à des expos notamment, Batimatec et Archi-terre qui s'est hélas arrêtée, des expos à Adrar aussi etc. Etes-vous confiant dans votre travail? Voyez-vous donc des résultats satisfaisants, un engouement pour le retour justement aux matériaux locaux de la part des habitants des régions du Sud? Bien sûr. Fin décembre dernier, nous avons organisé une formation sur la conception bioclimatique. Nous avons ramené des gens de l'université de Liverpool, ils ont travaillé avec des bureaux d'études d'ici. Aujourd'hui, des enfants savent désormais ce qu'est la préservation du patrimoine. Nous avons aussi une grande demande des gens qui veulent construire leur maison en terre. Parmi eux des citoyens ordinaires et différents organismes. L'Office du tourisme a fait appel à nous pour construire une maison d'hôte.