Le «rapprochement global» entamé entre l'Algérie et les Etats-Unis d'Amérique au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, semble soudain se fixer des limites et prendre des formes moins expansives. La mise en garde de Washington à l'endroit de ses ressortissants leur conseillant la prudence avant de se rendre en Algérie a été ressentie comme une «réévaluation» de la situation en Algérie, ou pire comme un «double jeu» dont l'objectif est de garder encore ce pays en position d'ambiguïté, ni assez dangereuse, ni assez pacifiée. Il est évident de dire que chaque prise de position de la part des Etats-Unis est conditionnée par un certain nombre de paramètres, dont les intérêts économiques et le positionnement stratégique tiennent une bonne place. Meilleur allié en matière de coopération sécuritaire, gros marché en forages pétroliers et investissements dans les hydrocarbures, client privilégié et qui, de surcroît, paie ses achats cash, l'Algérie peut à juste raison afficher une moue sceptique ou faire les gros yeux vis-à-vis de Washington. Si l'on considère que Washington a émis les mêmes réserves concernant d'autres pays ces dernières semaines, et si l'on se rappelle que la même mise en garde a été lancée récemment et qui a pointé un doigt sur l'Arabie Saoudite et le Koweït, on peut alors affirmer qu'il n'y a pas de quoi s'alarmer. A chaque fois que leurs services spéciaux et leurs réseaux d'écoute interceptent un message qui peut constituer un danger - aussi minime soit-il - pour leurs ressortissants ou leurs intérêts à l'étranger, les Etats-Unis donnent aussitôt l'alerte. C'est un travail qui, chez eux, relève de la communication militaire et stratégique immédiatement traité au plan politique par le département d'Etat. Ce qui semble aujourd'hui agacer l'Algérie, c'est, hormis le fait d'être de nouveau classée dans la case des pays dont «l'environnement en matière de sécurité reste dangereux», de constater qu'une ambiguïté gère ses rapports avec Washington, une sorte de «flirt contrarié» entre Alger et Washington, selon les termes de William B.Quandt, ancien membre du Conseil national américain de sécurité. Il y a six mois, lorsque l'état-major de l'armée algérienne a annoncé la neutralisation du chef de guerre du Groupe salafiste, Nabil Sahraoui, dans une embuscade opérée dans les maquis de Béjaïa, le département d'Etat américain avait alors rédigé un rapport dans lequel il avait fait part des similitudes entre le cas algérien et celui de l'Arabie Saoudite qui venait, elle aussi, de mettre en terme aux actes de violence perpétrés par un chef local du djihad, Abdelaziz El Moqren. Mais la comparaison s'arrêtait là, et le rapport suggérait que pour Alger, le djihad c'est déjà du passé, alors que pour Riyad, tout restait à faire. Depuis la première élection du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, un rapprochement a été constaté entre Alger et Washington et qui s'est confirmé par un volume d'échanges plus important, un «marketing médiatique» plus favorable et une coopération militaire, tant dans les structures dirigeantes de l'Otan que dans la bande tumultueuse du Sahel. Ce qui a fait jaser récemment le voisin marocain, considéré pourtant comme «l'allié traditionnel» des Etats-Unis. «Flirt contrarié» ou simple mise en garde (mais qui a ses répercussions réelles, tant au plan politique qu'au plan du tourisme, et donc économique), la formule succincte consacrée à l'Algérie et qui suggère que l'environnement algérien reste dangereux, spécialement dans les régions du Sahara, peut prêter à lecture négative. Pour Washington, le pragmatisme est de rigueur, et même le voisin marocain a été crédité du même constat au lendemain du 11 mars 2004 et les attentats de Madrid, sans que cela ne change en rien la position politique officielle des Etats-Unis vis-à-vis du royaume.