Les membres du HCN lors d'une conférence de presse, place des Nations, à Genève L'opposition syrienne a suspendu hier sa participation «formelle» aux négociations de paix de Genève «afin d'exprimer son mécontentement et son inquiétude à propos de la détérioration de la situation humanitaire et de la cessation des hostilités», tout en poursuivant des «discussions techniques». La trêve en Syrie serait-elle sur le point de voler en éclats? Des groupes rebelles ont en effet annoncé une riposte «coordonnée» à des violations supposées par l'armée du régime qui exclut du cessez-le-feu les groupes considérés comme terroristes. L'opposition syrienne a suspendu hier sa participation «formelle» aux négociations de paix de Genève, a annoncé l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura «afin d'exprimer son mécontentement et son inquiétude à propos de la détérioration de la situation humanitaire et de la cessation des hostilités». «Ils ont toutefois exprimé leur intention de rester à Genève et de participer à ma demande à des discussions techniques» à leur hôtel, a-t-il ajouté. Respecté depuis le 27 février, avec quelques couacs, l'accord de cessation des hostilités imposé par Washington et Moscou est en train de s'effilocher ces derniers jours, avec la multiplication des combats et des bombardements, surtout dans la métropole septentrionale d'Alep et de sa province. Ils sont au moins dix groupes rebelles, d'obédience islamiste, dont le principal incarné par Ahrar al-Cham et le groupe d'inspiration salafiste Jaich al-Islam, qui ont proclamé hier leur décision de coordonner la riposte.»Après une augmentation des violations de la part des forces du régime, visant notamment des camps de déplacés et (...) des quartiers résidentiels, nous déclarons la création d'un centre d'opérations conjoint et le début d'une bataille (...) pour y répondre», ont-ils annoncé dans un communiqué. Ils ont promis à l'armée syrienne «une réponse forte qui (lui) servira de leçon». La bataille envisagée doit «concerner le nord de la province de Lattaquié», un des principaux fiefs de Bachar el-Assad, dans l'ouest de la Syrie, ainsi que l'a assuré le porte-parole de Jaich al-Islam, Islam Allouche. L'offensive rebelle a effectivement commencé dans cette région, hier, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) alors que les combats font rage dans plusieurs endroits de la région d'Alep, où s'affrontent quotidiennement l'armée syrienne, les factions rebelles, les jihadistes et les Kurdes. L'encerclement de la ville elle-même rend la situation dramatique pour les populations civiles alimentées par les ONG et l'ONU de façon sporadique. Il y a quelques jours, avant la recrudescence des violences, des bombardements réciproques ont causé la mort de 22 civils à Alep, aggravant la situation humanitaire. A Genève, les discussions parrainées par le représentant spécial de l'Onu Staffan de Mistura ont repris pour un nouveau round de pourparlers indirects entre régime et opposition, mais tout le monde garde un oeil rivé sur les affrontements autour de la province d' Alep. Reprenant sa tactique de surenchère, l'opposition syrienne a même demandé hier à l'ONU de «faire une pause», en attendant les réponses de Damas sur la transition politique et les questions humanitaires. Dimanche, le négociateur en chef au sein de l'opposition, Mohammad Allouche, qui est en outre le chef de Jaich al-Islam, avait clairement appelé à l'intensification des combats face à la menace incarnée par l'armée du régime de Bachar el-Assad et de ses alliés. Alors même que son groupuscule avait approuvé la trêve aux côtés d'une centaine d'autres, il a justifié cette «sortie» par le souci d'assurer une «autodéfense» face à la grande offensive que l'armée syrienne prépare. Tout montre que les négociations de Genève se déroulent dans un contexte des plus inquiétants qui ne favorise en aucun cas l' aboutissement espéré. Même qualifiée de «cruciales» par les deux parties, elles peuvent, à tout moment, subir les dommages collatéraux des bras de fer qui se jouent quotidiennement sur le terrain, au risque d'aggraver le nombre des 270.000 morts et la précarité de la moitié du peuple syrien déplacé par cinq ans de combats féroces. Dimanche déjà, le Haut comité des négociations (HCN) parlait du gel de sa participation aux pourparlers de Genève, une menace brandie à diverses reprises par ces factions financées par l'Arabie saoudite et les autres pays du Conseil consultatif du Golfe. En réalité, le chantage au retrait est surtout du au refus catégorique de la délégation du régime d'aborder le sujet du sort futur du président syrien, une des exigences de l'opposition et de ses sponsors qui demandent aux «grandes puissances, les Etats Unis et la Russie, de faire pression» sur Damas. Pour le HCN, la transition doit se faire avec la mise en place d'un organe gouvernemental dont sera impérativement exclu le président syrien. Mais pour le régime syrien, l'option consiste en un gouvernement de coalition, au sein duquel l'opposition aura un certain nombre de postes, tandis que le sort du président Assad est absolument exclu des discussions. Il faudra donc beaucoup d'efforts et surtout de concessions, de part et d'autres, pour rendre compatibles les attentes des parties en présence à Genève mais, pour l'heure, rien n'indique que ces concessions soient imminentes, bien au contraire.