La tension a baissé à Tripoli Outre le chef de la diplomatie italienne, ce fut autour des ministres français puis allemand et britannique, de se rendre tambour battant à Tripoli, après qu'Al Serraj eut participé, en vidéo-conférence, à une réunion des ministres de la Défense et des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. Sans grande surprise, le parlement reconnu de Tobrouk a reporté, sine die, sa session d'hier qui devait être retransmise à la télévision et au terme de laquelle il devait se prononcer sur la validation du gouvernement d'union nationale adoubé par l'ONU. Le vote de confiance n'a même pas pu avoir lieu pour cause de défection d'une partie des membres du parlement, hostile depuis des mois à cette reconnaissance explicite, et aussi pour une contestation du mode de scrutin qui devait statuer sur chacun des dix-huit ministres du gouvernement Al Serraj, au pro rata des suffrages favorables. Ce nouveau report est intervenu malgré la présence à Tobrouk due l'émissaire de l'ONU, Martin Kobler, venu «encourager» les députés à apporter leur aval au gouvernement Al Serraj, malgré les multiples divergences. De son côté, le nouvel homme fort de Tripoli, depuis qu'il a posé pied à la base navale, a rapidement entrepris d'asseoir son autorité en prenant les rênes de plusieurs ministères, sans grande difficulté qui plus est, contrairement aux suppositions pessimistes des observateurs. Les témoignages de soutien n'ont pas manqué, puisque les puissances occidentales ont aussitôt dépêché leurs ministres des Affaires étrangères. Outre le chef de la diplomatie italienne, ce fut autour des ministres français puis allemand et britannique, de se rendre tambour battant à Tripoli, après qu'Al Serraj eut participé, en vidéo-conférence, à une réunion des ministres de la Défense et des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, penchés sur la question libyenne depuis Bruxelles. La marque la plus prégnante est venue du ministre britannique des Affaires étrangères Philip Hammond qui, à la faveur de sa visite surprise, a pris de court ses alliés dans cette intense activité diplomatique européenne. Alors que Kobler faisait état du retour en Libye des membres de la mission des Nations Unies (Manul), fermée en 2014 en raison des violences subies, Hommond faisait part de l'octroi d' une aide de 10 millions de livres (environ 12,6 millions euros) en mettant l'accent sur l'importance que la Grande Bretagne attache à une lutte immédiate contre l'organisation de l'Etat islamique et contre le flux des migrants. A ce titre, il a également fait mention de l'arrivée prochaine en Libye d'un contingent de 1000 soldats britanniques qui apporteront leur concours à la lutte contre Daesh. Selon lui, «combattre Daech et l'immigration clandestine, c'est un seul et même combat et c'est au peuple et au gouvernement libyens de décider comment ils veulent reconquérir leur pays de (l'emprise) des envahisseurs». Pour minimiser les conséquences de l'ajournement du vote à Tobrouk, plusieurs responsables ont tenu à préciser qu'il s'agissait, hier, uniquement de «consultations» et que rien ne permettait de déduire un échec lors de la prochaine réunion dont la date n'a d'ailleurs pas été évoquée. Or, le gouvernement d'union a besoin du vote de confiance du Parlement de Tobrouk pour pouvoir étendre son autorité à l'est du pays, toujours gouverné par un cabinet parallèle qui refuse de lui céder le pouvoir avant un tel vote. En attendant le résultat des tractations qui se poursuivent cahin caha, Al Seraj et son cabinet revendiquent une certaine légitimité, à défaut d'une légitimité certaine, fort du communiqué de soutien d'une centaine sur les 198 membres du parlement de Tobrouk qui leur avaient apporté leur reconnaissance voici plus d'un mois. En prenant le contrôle des sièges de plusieurs ministères et en obtenant le soutien de la Banque centrale, de la compagnie nationale des pétroles ainsi que plusieurs autres structures économiques majeures, il a déjà balisé son champ d'action à la grande satisfaction des puissances occidentales, impatiente de lui confier les tâches domestiques de «containment» des migrants et de lutte contre l'EI. La réunion en vidéo-conférence avait précisément pour but de rappeler à Al Serraj les missions qui lui incombent, même si, officiellement, il s'agissait de «travailler à identifier des projets concrets sur le plan économique, politique ou sécuritaire», comme l'a affirmé la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. L'objectif primordial étant, bien entendu, d'engager sans tarder une lutte implacable contre le groupe terroriste de Daesh tout en mettant fin à des années de violence entre factions rivales et tribus désabusées.