La guerre contre les rentiers prend une dimension politique clairement affirmée. Le chef du gouvernement accuse ouvertement les tenants de la rente d'être derrière les récentes émeutes qui ont éclaté un peu partout dans le pays, en raison des dernières augmentations des prix des carburants. La déclaration d'Ouyahia a son importance, au sens où c'est la première fois qu'un responsable de ce rang s'exprime d'une manière aussi claire pour définir «les trouble-fêtes» qui tentent de stopper la dynamique réformatrice du gouvernement. Ainsi, pour le chef de l'Exécutif, il existe en Algérie des «forces occultes» qui se donnent pour mission de maintenir, coûte que coûte le statu quo, instrumentalisant pour ce faire, toute décision gouvernementale susceptible d'être impopulaire. Les hausses des factures d'énergie, au même titre d'ailleurs que les déficits en logements ou en emplois sont autant de prétextes pour ameuter la foule, dans le seul but de créer une situation d'instabilité sociale qui pousse les pouvoirs publics à parer au plus pressé, donc à remettre indéfiniment à plus tard les actions de fond, censées faire basculer l'Algérie d'une situation de rente à celle d'une société basée essentiellement sur le travail. Le chef du gouvernement ne se trompe pas de cible, à voir l'évolution en dents de scie du pays. En effet, les troubles sociaux que vit épisodiquement le pays, outre qu'ils renseignent sur le profond malaise que vivent de nombreuses couches de la société, n'en éclairent pas moins sur les motivations de certains cercles, puisqu'ils interviennent à des moments précis et obligent souvent le gouvernement à faire marche arrière sur les dossiers brûlants qui ont, le plus souvent, trait à la place de la rente dans les travers du système politique algérien. A la charge des pouvoirs publics, l'on peut avancer le grand défaut de communication dont ils font montre dans leurs relations avec le citoyen. Les colères enregistrées ici et là sont amplifiées par les comportements des responsables locaux qui semblent, dans bien des cas, à dix mille lieues des aspirations profondes des Algériens. Cependant, l'on peut également constater au quotidien la volonté des plus hautes autorités du pays de sortir du cercle vicieux de la rente et de ses corollaires, le clientélisme et la corruption. Les différentes réformes et autres lois promulguées ces dernières années montrent, si besoin est, que la direction prise par l'Etat va dans le sens d'une lutte contre l'esprit rentier qui mine la maison Algérie. Mais il semble que cette guerre est encore loin d'être gagnée, puisque les «cercles occultes» semblent dotés d'une «puissance de feu» impressionnante, au point que les «messages» qu'ils envoient sont «bien reçus». Cela dit, jusqu'à hier, les plus hautes autorités de l'Etat prenaient garde de ne pas identifier clairement ces «forces occultes». Ouyahia a donc brisé un tabou en pointant un doigt accusateur en direction des rentiers. Dit autrement, le chef du gouvernement trace une frontière claire entre l'Etat et ceux qui veulent perpétuer le système rentier. La guerre contre les rentiers qui prenait une direction strictement juridique, prend donc une dimension politique clairement affirmée. Et ce n'est pas un hasard que Ouyahia ait traité du sujet dans l'enceinte du siège de Sonatrach, symbole de la rente pétrolière par excellence. Cette «compagnie-mamelle» de l'Algérie est actuellement au centre d'un débat sur la place qui devrait lui revenir dans le cadre de l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures. Lequel a l'ambition de mettre un terme à la logique de rente. A méditer...