Menaces, attentats, Zarqaoui fait feu de tout bois déclarant la guerre au scrutin de dimanche prochain. Alors que le compte à rebours pour le crucial scrutin du dimanche 30 janvier est lancé, Abou Moussab Al-Zarqaoui déclare une «guerre farouche» aux prochaines élections en Irak. Dans un communiqué qui lui est attribué, diffusé dimanche à Dubaï, le chef local d'Al Qaîda en Irak, promet de mettre le pays en effervescence, indiquant : «Les élections sont un piège abominable, destiné à assurer aux Rafidha (désignation péjorative des chiites) le contrôle des rouages du pouvoir (dans ce pays)» ajoutant: «Nous avons déclaré une guerre farouche à ce processus ignoble, qui constitue une grande farce américaine». De fait, Al-Zarqaoui, dont la tête est mise à prix pour 25 millions de dollars par les Américains, monopolise l'actualité irakienne, faisant même passer au second plan d'autres priorités en phase avec le scrutin de dimanche, un scrutin plus que jamais à hauts risques. Hier, le groupe d'Al-Zarqaoui a revendiqué l'attentat commis dans la matinée du même jour contre le siège du parti de l'Entente nationale irakienne, le parti du Premier ministre intérimaire Iyad Allaoui, attentat qui s'est soldé par la mort de deux personnes et dix blessés, selon le bilan établi par l'établissement hospitalier où les victimes de l'attentat ont été transférées. C'est le deuxième attentat commis en moins de quinze jours contre le siège de ce parti. Le groupe d'Al-Zarqaoui a également annoncé dimanche, sur son site Internet, l'assassinat d'un important membre du parti de M.Allaoui, Salem Jaafar Al-Kanani, candidat aux élections du 30 janvier. Selon un responsable du parti de l'Entente nationale irakienne, M.Kanani a été kidnappé mercredi dernier par des inconnus. Il est patent que les jours à venir seront cruciaux pour le gouvernement intérimaire qui redoute d'autres violences à l'approche du jour fatidique. D'où la multiplication des appels aux sunnites à se désolidariser des actions terroristes du groupe d'Abou Moussab Al-Zarqaoui. Un dignitaire chiite, cheikh Hammam Hammoudi, qui se présente sur la liste unifiée irakienne, a appelé hier les responsables sunnites à se désolidariser d'Al-Zarqaoui indiquant : Nous appelons les oulémas et les responsables sunnites irakiens et arabes à prendre une position claire par rapport à ces opérations (les attentats revendiqués par le groupe d'Al-Zarqaoui)» insistant : «Ils (les sunnites) ne doivent pas rester silencieux. Leur silence encourage la dissension communautaire», et le cheikh Hammoudi de conclure : «Zarqaoui est un terroriste qui tue les innocents et participe à la destruction du pays. (Ses propos) n'appellent pas une réponse» faisant référence à la dernière fatwa du responsable en Irak d'Al Qaîda. L'activisme du groupe de Zarqaoui a réussi à mettre en arrière-plan l'organisation d'un scrutin à tout le moins crucial pour un pays qui vit en régime transitoire depuis l'invasion armée américaine de mars 2003. Le retour à la légalité institutionnelle s'annonce quelque peu difficile, d'autant plus qu'un boycott significatif des sunnites lors du scrutin du 30 janvier enlèverait toute légitimité à l'Assemblée (transitoire) de 275 députés qui sera élue ce jour. En effet, cette Assemblée transitoire, dont la fonction première sera de rédiger la Constitution permanente du pays, pourrait être handicapée par l'absence d'une représentation significative de la communauté sunnite avec comme conséquence de décrédibiliser ses futurs travaux. Aussi, l'accent est-il mis par les autorités intérimaires irakiennes à encourager une forte participation en général et celle de la communauté sunnite en particulier. Outre le fait que la sécurité conditionne la crédibilité du scrutin, la précipitation avec laquelle les Américains et le gouvernement Allaoui ont tenu à organiser cette consultation électorale, concourt à faire des élections de dimanche prochain, un scrutin à hauts risques. Des risques pas seulement sécuritaires mais aussi politiques qui fragiliseront davantage une unité nationale menacée par les ambitions hégémoniques des chiites et les velléités indépendantistes des Kurdes. Aussi, un Irak fédéral dont rêvent les Etats-Unis, présentement en charge du destin du pays, risque d'être une vue de l'esprit en l'absence de conditions minimales - de sécurité et de liberté - donnant aux Irakiens de peser sur leur propre avenir, alors que tout indique que cet avenir, voulu et préparé par les Etats-Unis, leur sera imposé dans un scrutin qui risque d'être tout sauf loyal et sincère.