Le secrétaire général du RND lors de sa conférence de presse Là où Ahmed Ouyahia est catégorique en usant de mots forts qu'il assume pleinement, c'est lorsqu'il a été question du MAK et de Ferhat M'henni. Grand gagnant de la semaine politique, Ahmed Ouyahia a affronté la presse nationale hier, avec le calme et le sens de la réplique qu'on lui connaît. Au huitième étage du siège du RND, le tout nouveau et «authentique» secrétaire général était donc définitivement chez lui et son propos est celui d'un chef politique qui assume pleinement l'exercice du pouvoir et en tire même une certaine satisfaction. Ahmed Ouyahia sûr de lui et prêt à jouer un rôle politique majeur? la réponse est incontestablement: «oui». Le ton, le niveau de conviction et la précision de ses réponses sur des sujets précis, montrent, en effet, un certaine aisance qui rappelle le Ouyahia des «grands jours». Le message présidentiel de félicitations à son élection par les congressistes, appuyé par les félicitations du patron du FLN, suffisent donc au bonheur du secrétaire général qui a pris acte de la volonté d'apaisement du «grand frère», en affirmant lors de sa conférence de presse que le message de Saâdani est passé, que le FLN reste «un allié stratégique du RND». Un épisode tumultueux dépassé et une crise au sein du pouvoir évitée, mais c'est surtout un confortement de la position d'Ahmed Ouyahia, non pas seulement à la tête de son parti, mais également sur l'échiquier de la décision. Lorsqu'on sait ce qui attend le pouvoir et plus globalement la scène politique, ces trois dernières années, on peut apprécier l'importance du placement de l'homme et surtout, la portée de son engagement futur, dont on n'aura pas appris grand chose, au sortir de la conférence de presse. En effet, le nouveau secrétaire général du RND a redit sa conviction et celle du «congrès» quant à la nécessité d'éviter le populisme dans la gestion des affaires de l'Etat et dans la pratique partisane. Le MAK, un agent étranger Ouyahia en a profité pour rappeler le soutien de sa formation politique à l'action du gouvernement et notera l'importance d'éviter des raccourcis qui ne servent pas le pays. Il dresse un réquisitoire contre l'opposition qui «ne reconnaît ni la légitimité du président de la République ni la nouvelle Constitution», affirmant que pareille attitude n'aboutit à rien, d'autant que ces positions radicales n'ont aucun impact sur la marche des institutions du pays. Mais ce reproche se veut «amical» et ne remet aucunement en cause le droit de l'opposition à rejeter le régime en bloc. En fait, là où Ahmed Ouyahia est catégorique en usant de mots forts qu'il assume pleinement, c'est lorsqu'il a été question du MAK et de Ferhat M'henni «Ferhat M'henni, fils de chahid, malheureusement, s'est retrouvé à son âge mercenaire à la solde d'intérêts étrangers» a déclaré M.Ouyahia qui s'explique: «Il existe incontestablement aujourd'hui des forces étrangères qui ont des comptes à régler avec l'Algérie et il existe aussi des Algériens qui ont pris position contre leur pays et j'entends par là le MAK de Ferhat M'henni». Même s'il n'évalue pas à proprement parler le danger que représente le MAK, le patron du RND en appelle quand même l'ensemble de la scène politique à «défendre l'unité nationale et constituer un rempart autour de l'Algérie face à toute attaque venant de l'étranger». Le parti de Ferhat M'henni, motif de mobilisation. Il faut dire que ce n'est pas la première fois que le secrétaire général du RND aborde la question du MAK. C'est même l'un des rares partis, sinon le seul, qui tire la sonnette d'alarme sur le phénomène MAK. Cette fois, il en a ajouté une couche, mais sans aucune espèce de stigmatisation des partisans de ce mouvement. Affaire El Khabar: Rebrab fait de la politique Concernant l'affaire du rachat par le groupe Cevital du quotidien El Khabar, il a retourné la critique au patron de ce groupe économique en soulignant que ce dernier «a politisé l'affaire de cession d'actifs du groupe El Khabar». En fait, si le traitement est judiciaire, le premier coup politique est venu, à en croire Ouyahia, d'Issad Rebrab qui, dit-il, a appelé au «départ du régime». Cela suffit pour donner une connotation politicienne aux desseins du patron de Cevital. Et en politique avisé, le patron du RND rétorque: «Vous imaginez bien que je ne peux applaudir une déclaration qui vise le pouvoir dont je fais partie.» La «dérive» verbale de Rebrab classe l'homme dans la catégorie des politiques. Or, «la presse doit rester la presse et l'homme d'affaires, un homme d'affaires», a estimé Ouyahia. Il reste que la problématique que pose l'affaire d'El Khabar ne constitue pas un précédent dans le monde. «Le phénomène des empires médiatiques et le monopole des médias suscitent les appréhensions dans de nombreux pays et pas seulement en Algérie», a-t-il précisé. Tweet de Valls: une «extrême indélicatesse» Dans le registre des relations algéro-françaises, Ahmed Ouyahia ne croit pas que le fameux tweet du Premier ministre français, Manuel Valls, puisse avoir un impact «viral». Mais le geste est qualifié d'«énorme indélicatesse» par le patron du RND. «Ce qui a provoqué l'indignation après la publication par M. Valls d'une image du président Bouteflika, c'est l'énorme indélicatesse.» Ceci étant, Ouyahia ne s'arrête pas à la seule remontrance. Comme il a été lui-même Premier ministre, il connaît la valeur et la portée morale de la fonction et des relations de confiance qui se tissent entre dirigeants du monde. «Vous êtes Premier ministre d'un pays et vous êtes reçu par le président de la République et tout ce que vous trouvez à faire c'est de publier une image du président Bouteflika», a souligné le secrétaire général du RND. Une manière de relever que le geste de Valls était inopportun et tout à fait déplacé à ce niveau de responsabilité. Il notera également que «le tweet de Valls n'a rien montré. Même si le président n'était pas dans un de ses meilleurs jours, les Algériens savent que leur président est diminué. L'image n'a pas d'impact sur l'opinion. C'est simplement le geste» qui ne relevait pas de la bonne éducation, pourrait-on dire. A une question sur une loi criminalisant le colonialisme, un sujet récurrent des partis islamistes, Ouyahia a rappelé que le premier à avoir pointé du doigt la bêtise coloniale, c'est bien le chef de l'Etat, en réaction à une loi glorifiant le colonialisme votée en France. Depuis, les islamistes font d'une réplique algérienne de cette loi, leur cheval de bataille. Sur la question, la position du RND est quelque peu ambiguë. Le parti n'en voit pas l'utilité, mais la votera si elle venait à être proposée à l'APN. Mais l'important selon Ouyahia c'est de bâtir «un pays de plus en plus puissant. C'est la plus belle revanche sur l'agression colonialiste et la plus belle affirmation du destin naturel de l'Algérie». Politique étrangère: une souveraineté A une question sur l'attitude du MSP qui a critiqué le déplacement du ministre Abdelkader Messahel en Syrie, Ahmed Ouyahia a rappelé qu'à l'exception du parti islamiste, personne n'a eu à redire de cette visite. «Les partis de l'opposition syrienne n'ont pas trouvé la visite inopportune ni encore les pays du Golfe, avec lesquels l'Algérie a de bons rapports», a-t-il précisé. Cela pour signifier que la politique étrangère de l'Algérie est une «politique de principes (...) très souveraine (et) n'a jamais privilégié la diplomatie spectaculaire». D'ailleurs, la souveraineté de l'Algérie est respectée de tous, et les positions des monarchies du Golfe sur le Sahara occidental n'a pas dégradé les relations de l'Algérie avec ces pays, insiste le secrétaire général du RND qui rappelle que le soutien qu'ils apportent au Maroc dans le dossier du Sahara occidental n'est pas nouveau. Et de rappeler à ce propos que l'Algérie était l'un des rares pays arabes à ne s'être pas rangé derrière l'appel au djihad contre l'Iran, dans sa guerre contre l'Irak.