Scène du film Divines Deux films évoluant sur deux planètes différentes, mais qui se font remarquer tant par l'originalité du scénario que la valeur émotive qui s'en dégage...l'un figurant dans la Section officielle, l'autre dans la Quinzaine des réalisateurs. Le dernier Dolan, un bijou? non, quand même pas! Mais avec juste un brin de fantaisie pour qu'il reste encore marqué dans notre esprit. Au départ déroutant. Filmer ses personnages au plus près des visages jusqu'à l'étouffement, ce n'est pas drôle. Ajouter à cela un sacré pathos nerveux et vous obtiendrez des têtes à claques à ne pas en finir. Fort heureusement, il y a le personnage central qui, peu loquace, se mue en témoin de cette chorale cacophonique sidérante d'absurdité. Adapté en fait de la pièce Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, écrite en 1990 (l'auteur se savait atteint du sida). Juste la fin du monde raconte l'histoire de Louis qui revient voir sa famille, après 12 ans d'absence pour leur avouer sa mort prochaine. Et se «donner, et donner aux autres, une dernière fois, l'illusion d'être responsable de moi-même et d'être jusqu'à cette extrémité mon propre maître». Mais rien ne se passe comme prévu, derrière les chamailleries outrancières, cris et châtiments verbaux de la mère alias Natalie Bye, du frère colérique Vincent Kassel, la camée de sa soeur, alias Lé Seydoux, Louis découvre une certaine complicité passive chez la femme de son frère, Catherine jouée par Marion Cotillard qui se lance dans une performance linguistique périlleuse, mais arrive à s'en sortir avec justesse. Louis va-t-il cracher le morceau? Au milieu de ces querelles familiales qui retranchent Louis dans un gouffre de silence criard, Xavier Dolan offre aux spectateurs quelques errances musicales comme des divagations de l'imaginaire du jeune nostalgique. La maladresse de chacun n'a d'égal que leur incapacité à communiquer. A dire «tu m'as manqué», tout simplement. Dans ce personnage de Louis, on retrouve étrangement Xavier Dolan en personne, artiste qui se régénère tout le temps, du haut de ses 27 printemps. Se défendant d'avoir «fait un film complet», Xavier Dolan dira lors de la conférence de presse à propos de son sixième long métrage que «c'est un film sur le silence et les regards qui s'envolent au-delà des épaules. Il faut du temps pour que les gens n'aient pas à le voir mais l'entendre. Selon moi, c'est mon meilleur film. Car j'ai conscience des erreurs faites lors de mes précédents films et que j'ai rectifiées ici». Pour Léa Seydoux «Xavier Dolan est aussi acteur. Il est très attachant. On a envie d'être aimée par lui. Malgré la brutalité qu'on ressent chez cette famille, le film porte sur les non-dits et la difficulté qu'ils ont à s'exprimer». A propos de l'auteur de Mommy, l'acteur principal Gaspart Ulliel dira «on a l'impression d'être en présence d'un sismographe du sentiment» et le réalisateur de confier: «Les gens crient, mentent, pleurent, ils sont désagréables, mais humains dans leurs imperfections.» Il faut dire que le travail d'éclairage (brun et bleu) le plus souvent et puis orange vers la fin donne une certaine épaisseur mais aussi un esprit de renfermement à ce film dont l'ennui qu'il peut susciter ne fait pas peur au réalisateur qui avoue que son souci n'était pas de s'éloigner du théâtre, mais d'exprimer avant tout ce «silence sonore» comme le soulignera Marion Cotillard. En effet, le film se capte à partir du moment où la parole se perd dans les dédales de l'émotion que peuvent générer ses acteurs qui se perdent en énergie dévorante. En gros, Juste la fin du monde de Xavier Dolan, soit tu aimes ou bien tu détestes. Mais là, on arrive pourtant à l'aimer; en dépit du fait qu'il nous énerve viscéralement. Pas drôle! Bref, Juste la fin du monde est un film à part qui aura sans doute sa chance au palmarès. Dans un registre complètement différent de celui- là: Divines, présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Porté par une pléiade de comédiens des plus soudés, amis dans le film et voire même derrière la caméra, le film de Houda Benyamina a pour héroïne la jeune écorchée vive Dounia (incarnée avec grâce et sensualité par sa propre soeur, Oulaya Amamra) qui vit avec sa mère paumée(la belle actrice marocaine Majdouline Idrissi), dans une banlieue. Dounia rêve de gagner beaucoup d'argent et quitter la misère. Armée de courage et soutenue par sa meilleure amie black Maimouna, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser sa vie. C'est ce qui rend ce film follement intéressant. C'est justement la rencontre de ces deux mondes qui fait partir en éclats la carapace jusque-là très dure de Dounia qui se laisse tout doucement apprivoiser par le beau danseur. Difficilement tout de même. L'originalité du scénario réside en effet dans ce mélange entre l'univers brutal et violent de la banlieue frappée souvent par les émeutes et la beauté du mouvement corporel de ce danseur qui rappelle sur scène la dynamique et le rythme haletant de ce film, rempli de rebondissements. C'est aussi la belle révélation du sentiment amoureux qui naît chez cette jeune Lolita qui, du haut de ses 20 ans, crève l'écran et intrigue. Un film qui dit des choses vraies, traversé de séquences d'action à l'américaine et de morceaux de respirations pour nous faire plonger dans le regard intense de Dounia, rempli de rêve et de vie intense...