Un succès, mais le plus dur est à venir. C'est d'abord le courage des Irakiens, qui ne se sont pas laissés intimider par les menaces et les attentats de Zerkaoui, qui est salué par la communauté internationale. Mais l'optimisme reste mesuré. Si certains voient dans ce scrutin un succès pour le président américain George W. Bush, ils s'interrogent sur la suite du processus, dans un pays où les attentats sont le lot quotidien, malgré la présence des forces de la coalition. Partisans comme opposants à l'intervention militaire conduite par les Etats-Unis pour mettre fin au régime du dictateur Saddam Hussein ont estimé que le vote était une première étape réussie, notamment en raison du taux de participation élevé (près de 60 %) en dépit des menaces terroristes. Nombre de réactions insistent toutefois sur la nécessité de ne pas laisser de côté la minorité sunnite, malgré sa faible participation au scrutin, contrairement au composantes chiite et Kurde. Parmi les réserves les plus notables, celles venues de Chine. Tout en se réjouissant que ces élections -les premières multipartites à avoir lieu en plus de cinquante ans - aient pu avoir lieu à la date prévue, Pékin n'a pas caché son pessimisme, insistant sur un retrait rapide des forces américaines. Pour le journal officiel China Daily «il n'y a aucun signe montrant que Washington est capable de garantir l'avenir post-électoral de l'Irak». Principal maître d'oeuvre, le président Bush lui-même, tout en se réjouissant du succès des élections, a souligné que le chemin restait long. «En participant à des élections libres, les Irakiens ont fermement rejeté l'idéologie antidémocratique des terroristes», a-t-il dit, estimant que «les Irakiens eux-mêmes ont fait de cette élection un succès éclatant». Toutefois, a-t-il souligné, il reste «encore du chemin à faire sur la route de la démocratie». «Les terroristes et les rebelles vont continuer de mener la guerre contre la démocratie et nous continuerons de soutenir les Irakiens dans leur combat contre eux», a ajouté M.Bush, dont la presse américaine a estimé hier que la stratégie est confortée par ce «succès remarquable». La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, estimant que les élections «se déroulaient mieux que prévu», s'est dite «réconfortée par les commentaires de dirigeants kurdes et chiites disant qu'ils s'attendent à former un seul Irak et à ce que les vues de la population sunnite soient représentées lors de l'élaboration de la Constitution». Récent perdant de l'élection présidentielle de novembre dernier, le sénateur démocrate John Kerry a dénoncé toute tentative de «battage excessif». «A présent, l'important, ce seront les efforts pour parvenir à une réelle réconciliation politique», ce qui va demander «des efforts diplomatiques considérables et un geste envers la communauté internationale beaucoup plus important que ce gouvernement n'était disposé à faire», a-t-il ajouté. Côté britannique, principal allié des Etats-unis sur le terrain, le Premier ministre, Tony Blair, a estimé que les élections étaient «un coup porté en plein coeur du terrorisme mondial». A Moscou, le président Vladimir Poutine a déclaré, hier, que les élections, qui se sont tenues «dans des conditions très difficiles», étaient un pas dans la bonne direction, un événement positif». A l'ONU, le secrétaire général Kofi Annan a salué le courage des Irakiens. «On doit les encourager et les aider à prendre leur destin en main», a-t-il dit, ajoutant: «C'est le début, le premier pas dans un processus démocratique.» La France, qui avait été l'un des principaux opposants à la guerre en Irak, s'est, elle aussi, félicitée de la participation des électeurs, qualifiée de «bonne nouvelle» et de «succès pour la communauté internationale» par le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé. Le gouvernement allemand, également opposé à la guerre, a salué «une étape importante sur la voie de la construction de structures démocratiques». Pour Berlin, «il faut maintenant que tous les groupes ethniques et religieux du pays soient associés au processus politique», a déclaré le porte-parole du gouvernement, Bela Anda. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a estimé que les élections, «grand jour pour la démocratie et la liberté», avaient envoyé «un puissant message» dans toute la région. Pour le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, dont le pays préside actuellement l'Union européenne, cette première étape doit être suivie du départ «le plus rapidement possible» des troupes étrangères. M.Asselborn a plaidé pour une intégration des sunnites dans le processus d'élaboration de la future Constitution. Le Vatican, par la voix de son cardinal, secrétaire d'Etat, Mgr Angelo Sodano, a salué le vote comme un «signe de la maturité de ce peuple» et a émis le souhait que «ce scrutin puisse signifier un avenir de paix». En Iran, pays chiite voisin de l'Irak qui a tout lieu de se réjouir de la victoire attendue des chiites irakiens, le ministre de la Défense, Ali Chamkhani, a affirmé que «la participation massive aux élections générales allait être un rempart contre les forces d'occupation». L'ancien président iranien, Akbar Hachemi Rafsandjani, a toutefois estimé que les Américains n'allaient pas accepter que l'Irak devienne un pays «libre et indépendant, ne se tenant pas aux côtés des Etats-Unis et d'Israël». Le président de l'Opep, cheikh Ahmad Fahd Al-Sabah, également ministre koweïtien de l'Energie, a estimé que ces élections constituent «une première étape» vers la stabilité. Toujours chez les voisins de l'Irak, la Jordanie a souhaité que ces «élections historiques rétablissent l'unité et la stabilité et aient des effets bénéfiques sur l'ensemble de la région».