Rappelé à Dieu un mardi 4 février 2003 à l'âge de 83 ans des suites d'une longue maladie, Benkhedda Benyoucef était au premier rang dans la phase du combat libérateur, il était l'une des figures de proue de l'Algérie combattante et l'un des symboles de la guerre de Libération nationale qui ont levé haut son emblème avec sincérité, abnégation et mérite. L'Algérie a perdu en lui l'un de ses enfants valeureux qui ont répondu à son appel face à l'oppression de l'occupant et l'impérialisme, et ont sacrifié ce qu'ils avaient de plus précieux pour la libérer de ses chaînes afin de mettre leur énergie au service de son progrès et de son développement, après avoir mené la bataille pour la liberté et l'indépendance. Un homme hors du commun synthétisait en lui le croyant, le nationaliste, l'humaniste et l'homme d'Etat. Il ne parlait que lorsqu'il le fallait, il l'a fait dans une réponse pour Ali Kafi dans l'affaire Abane avec une manière pédagogique, intellectuelle et d'une éloquence rare, il est intervenu sans trop de bruit, lui, qui n'aime pas la polémique. «Il fit ce qu'on pourrait appeler de la politique noble qui prend en compte les seuls intérêts supérieurs de la collectivité en opposition avec la politique politicienne qui fait passer au premier plan une carrière personnelle engluée, d'ailleurs, généralement, dans des polémiques aussi infécondes que puériles», disait de lui Youssef Nacib. Né en 1920 à Berrouaghia, dans la wilaya de Blida, très jeune, il a milité dans les Scouts musulmans algériens (SMA) puis au sein du mouvement estudiantin. Après des études de pharmacie à Alger, il adhère au Parti du peuple algérien (PPA) et en devient le secrétaire général après le congrès d'avril 1953. Benkhedda purgera huit ans de prison sans jugement, après avoir été arrêté en 1943. Dès sa libération, il exercera au sein du comité de rédaction du journal du PPA, La Nation algérienne, et de l'édition francophone d'El Maghreb El Arabi, proches des thèses du parti. Arrêté une nouvelle fois par l'administration coloniale après le déclenchement de la guerre de Libération en 1954, il sera libéré en avril 1955. C'est Abane Ramdane qui le contacte par la suite pour rejoindre le Front de libération nationale. Membre du Conseil national de la révolution Cnra (1956-1962), et du Comité de coordination et d'exécution CCE (1956-1957), à la formation du Gpra en septembre 1958, Benyoucef Benkhedda est nommé ministre des Affaires sociales avant de succéder à Ferhat Abbas à la tête du gouvernement provisoire, en août 1961. Il assistera à l'aboutissement des Accords d'Evian au cessez-le-feu du 19 mars 1962. Après cette date et dans un appel au peuple algérien dans El Moudjahid, édition spéciale du 19 mars 1962, Benkhedda disait sur la Révolution algérienne: «Cette lutte a été d'un précieux enseignement pour les peuples subjugués encore par l'impérialisme. Elle a détruit le mythe de l'invincibilité de l'impérialisme. Tout en conduisant à la libération de l'Afrique, elle a démontré qu'un peuple aussi petit soit-il, et avec des moyens réduits, peut tenir tête à un impérialisme même très puissant et arracher sa liberté.» Après juillet 1962, Benkhedda se retire de la scène politique et s'est occupé de sa pharmacie à Alger, pour y revenir en mars 1976, en prenant position contre le régime de Boumediene, puis en 1990 en créant le mouvement El Ouma qu'il dissout en 1997, un parti créé à la faveur de la nouvelle loi sur les associations à caractère politique. Il est également l'auteur d'ouvrages sur l'histoire d'Algérie, Les origines du 1er Novembre (Dahleb), Alger, capitale de la résistance (Haouma), Les Accords d'Evian (OPU), et enfin Abane - Ben M'hidi paru l'été 2002. Ces ouvrages ont été un témoignage loyal et honnête devant l'histoire. En ce douloureux souvenir, une pieuse pensée en la mémoire de ce grand homme.