Partira, partira pas...Le sort d'Essid n'est plus lié au nouvel exécutif qu'il pourrait conduire en personne Nidaa Tounès a quatre ans. Le 16 juin 2012, le parti qui allait hériter des mannes du Néo-Destour cherche aujourd'hui à étendre le consensus dans un gouvernement d'union nationale qui peine à voir le jour. Voici une semaine, les partis de la coalition au pouvoir ont tenu une réunion aussi importante que discrète, au siège de Nidaa Tounès, avec un ordre du jour circonscrit à l'examen de l'initiative présidentielle appelant à la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Ont assisté à cette rencontre le porte-parole Abdelaziz Kotti et le directeur exécutif Hafedh Caïd Essebsi de Nidaa Tounès, Sofiane Toubel, président du bloc parlementaire de cette même formation, son homologue d'Ennahda Nouredine Brihi aux côtés du président du BP d'Ennahda Nouredine Arbaoui, le porte-parole d'Afek Tounès Riadh Mouakher et le président de l'UPL Slim Riahi. Une semaine auparavant, une autre rencontre avait eu lieu au palais de Carthage, regroupant autour du président Béji Caïd Essebsi, le secrétaire général de l'Ugtt Widel Bouchamaoui et la présidente de l'Utica, organisation patronale ainsi que les représentants des partis membres de la coalition. Les discussions qui ont porté sur le même enjeu n'ont pas été couronnées de succès puisque les deux organisations, l'Ugtt et l'Utica, ont poliment décliné l'invite d'entrer dans le futur gouvernement d'union préconisé par Caïd Essebsi senior afin de concrétiser les nouvelles priorités. Certes, les participants ont été unanimes quant au diagnostic d'une situation socio-économique inquiétante, mais là s'arrête leur concordance car le piège d'une union sacrée implique une responsabilité future incontournable quant au bilan. C'est d'ailleurs ce qui a motivé le refus courtois mais réfléchi de l'Ugtt et de l'Utica qui ont tenu à apporter leur soutien à l'initiative et au futur gouvernement d'union. Tandis que Caïd Essebsi a continué ses entretiens avec des personnalités publiques et des représentants d'autres formations politiques de moindre envergure, le débat s'est projeté dans la société civile et dans la rue pour constater que la quête d'une solution piétine et que la Tunisie ne paraît pas au bout de ses peines. Le bilan de 18 mois du gouvernement Habib Essid est jugé nettement insuffisant au regard des attentes et des espérances de la population. Le chef de l'Etat lui-même souligne la carence à trois niveaux, avec un ralentissement du processus démocratique. D'abord, il y aurait selon lui une déficience de l'Etat de droit, la loi n'étant pas appliquée de la même façon pour tout un chacun. Caïd Essebsi déplore ainsi que dans le cas des grèves dans le secteur des phosphates, déclarées illégales, l'Etat a été incapable de réagir pour mettre fin à cinq années de pertes sèches. En matière de liberté d'expression, le constat n'est guère plus amène, le président tunisien accusant les médias comme les partis de donner une image par trop négative du pays et du régime. Enfin, il reproche à certaines factions de l'opposition de porter le débat dans la rue au lieu de le circonscrire à la coupole du Bardo où siège l'ARP. Se fiant au constat développé quelque temps auparavant par Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, qui dédouanait le gouvernement Essid qui «a fait ce qu'il pouvait, avec les moyens dont il disposait» mais que l'option d'un gouvernement d'union s'imposait comme la seule solution valable, Béji Caïd Essebsi a tenté de mobiliser tout son monde afin de concrétiser cette option. Voire, l'appui intéressé et constant d'Ennahda est certes acquis mais la plupart des autres formations se veulent circonspectes et, surtout, la coalition qui espérait entraîner dans son sillage le puissant syndicat des travailleurs et celui du patronat a dû déchanter tant le refus de l'Ugtt et de l'Utica aura été sans ambages.Opter pour un gouvernement d'union dans lequel il n'y aura que le quartette actuellement mobilisé n'aurait aucun sens, d'où la remise en selle implicite de Habib Essid, initialement démissionnaire mais depuis peu requinqué par l'absence d'enthousiasme pour le gouvernement d'union en dehors de la coalition. Houssine Abassi, le secrétaire général de l'Ugtt, ne dirait pas non cependant à l'arrivée d'anciens ministres proches de la Centrale syndicale comme Ammar Younbaï ou Houcine Demassi, à condition que soient écartés certains ministres actuels devenus dérangeants pour les attentes des travailleurs. Béji Caïd Essebsi, en vieux renard de la politique, a choisi de rebattre les cartes au bon moment, provoquant un regain d'intérêt pour sa gestion de la crise actuelle et démontrant sa capacité à agir au mieux des intérêts du pays, tout en se donnant la marge de sécurité nécessaire en cas d'échec ultérieur d'un gouvernement d'union où tout le monde aura pris part.