De toutes les visites des chefs d'Etat français en Algérie, celle du président Jacques Chirac restera celle qui aura le plus marqué les relations algéro-françaises. Malgré son bref passage, le président français a réussi à marquer à sa manière cette visite particulière qui s'inscrivait dans le contexte de l'après-11 septembre. Chirac a surtout laissé une bonne impression dans le coeur des Algériens, en particulier ceux du quartier de Bab El-Oued, avec lesquels il voulait absolument partager la peine et la douleur après les inondations catastrophiques qui ont fait plus de 800 victimes. Lors de sa visite dans ce vieux quartier de la capitale, le président français a annoncé publiquement que la France contribuera à la reconstruction de Bab El-Oued et au financement de ses infrastructures sanitaires, un geste significatif, très apprécié par le peuple algérien et qui ravive, une nouvelle fois, la mémoire et les relations entre les deux rives de la Méditerranée. Des trois capitales maghrébines que le président français a eu à visiter durant son marathon de deux jours, l'étape algérienne aura été la plus importante, la plus médiatisée et surtout la plus fructueuse sur le plan coopération. Au volet commercial, le président français s'est dit satisfait de l'évolution des échanges survenus ces derniers temps entre l'Algérie et la France, ajoutant que les projets d'investissement étaient en progression constante. Pour ce qui est du terrorisme, le président Chirac s'est félicité de l'amélioration de la coopération entre Alger et Paris dans le domaine du renseignement et de lutte antiterroriste. Il a précisé que cette coopération effective contribuera, à côté du mandat d'arrêt européen qui se substituera bientôt aux extraditions, à l'éradication totale et globale du terrorisme international. Cette visite du chef d'Etat français aura permis surtout d'accélérer certaines promesses, déjà annoncées, par le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, lors de sa visite en octobre dernier. Cela concerne notamment la réouverture du consulat d'Oran, l'amélioration des conditions de délivrance des visas et surtout la desserte d'Air Lib, une compagnie aérienne privée, sur Alger en attendant le retour d'Air France. A tout cela s'ajoute le renforcement de la coopération Euro-Maghreb, que le président français voulait effective. Dans ce marathon maghrébin, Jacques Chirac a débuté sa première étape par la Tunisie, un pays avec lequel la France entreprend d'importants accords de partenariat, notamment dans le domaine du commerce et du tourisme. Même si cette visite a été de très courte durée, les présidents Chirac et Ben Ali ont pu s'entretenir sur les principaux sujets de l'heure, à savoir le Proche-Orient, la lutte antiterroriste et les questions des libertés démocratiques. Le président tunisien a, d'ailleurs, fait un geste dans ce sens, en levant l'interdiction de sortie du territoire pour Moncef Marzouki, connu pour sa virulence envers le régime en place. M. Ben Ali entend prouver à la France sa bonne volonté dans le développement des libertés dans son pays, même si, parfois, dans l'Hexagone, des voix se lèvent pour mettre en scène des figures non représentatives de l'opposition tunisienne, comme ce fut le cas de Ben Brik. Quoi qu'il en soit, les derniers entretiens entre les deux présidents français et tunisien se sont clôturés sur une note optimiste quant à l'avenir des relations entre les deux pays. Enfin, le président de la République française a conclu la tournée dans le Maghreb par le Maroc, avec lequel il entretient des relations privilégiées, en raison des rapports très étroits qu'avait Jacques Chirac avec le défunt roi Hassan II. Le chef de l'Etat français a été accueilli à Rabat avec des attentions particulières par le jeune roi Mohammed VI. Les deux chefs d'Etat se sont entretenus, notamment de la situation en Afghanistan, de la lutte antiterroriste et de la coopération euro-méditerranéenne. D'ailleurs, une place particulière a été réservée à l'examen de la situation au Proche-Orient, notamment après les attentats-suicide qui se sont multipliés, samedi et hier, en Israël. Le président français avait souhaité, à chaque étape de sa tournée, un règlement rapide du conflit israélo-palestinien indiquant qu'il est temps que la raison reprenne le dessus. Enfin, à chacune de ses étapes, le président Chirac entendait rappeler l'absolue nécessité d'éviter le piège de l'amalgame entre terrorisme et Islam, indiquant: «A ceux qui voudraient que le monde se déchire ou s'affronte dans un choc des civilisations, nous devons opposer le dialogue des cultures et des civilisations.» Il a rappelé, pour conclure, l'importance des communautés maghrébines en France plus de 3 millions et dont la moitié a la double nationalité, dans les efforts de rapprochement entre l'Europe et le Maghreb.