Les annales de l'année de 2003 seront marquées à jamais, pour l'histoire, par la visite d'Etat effectuée, en mars dernier, par le président français, Jacques Chirac, en Algérie. C'est la première tournée du genre dans l'ancienne colonie de la France depuis l'indépendance. Les déplacements successifs de ses prédécesseurs n'étaient pas inscrits dans le registre des visites d'Etat. Ni Valéry Giscard d'Estaing en 1974 ni François Mitterrand en 1983 n'ont eu d'ailleurs droit à un accueil chaleureux et enthousiaste comme celui réservé à Jacques Chirac lors de son voyage officiel de trois jours, du 2 au 4 mars, sur les artères d'Alger et d'Oran. De mémoire de journaliste, jamais un officiel étranger n'a provoqué une aussi grande messe populaire que Jacques Chirac. Alger s'est alors parée de ses plus beaux atours pour l'évènement chiraquien. La capitale a vraiment ouvert les bras au chef d'Etat français. Attendu comme un “messie”, le locataire de l'Elysée a vécu des moments forts lors de la balade algéroise et celle d'El-Bahia dans une grande ambiance de fête. Durant son séjour de trois jours, l'hôte de luxe de Bouteflika s'est offert deux discours, l'un au Palais des nations et l'autre à l'université d'Es-Senia et une conférence de presse. Au plan strictement politique, le crochet chiraquien est interprété comme un signe fort en direction d'Alger. Il est le fruit d'une éminente œuvre diplomatique menée depuis quelques années déjà et qui a atteint sa vitesse de croisière depuis la visite d'Etat effectuée par le président Bouteflika à Paris en juin 2000. Le locataire du palais d'El-Mouradia n'a d'ailleurs pas manqué de faire des retrouvailles algéro-françaises après un climat froid d'une décennie entre les deux capitales, une affaire presque personnelle en perspective de l'échéance d'avril prochain. C'était l'objectif que le président Bouteflika avait mis en avant pour accélérer et accomplir des voyages successifs pour convaincre et préparer le déplacement du président français à Alger. Le geste de Chirac en direction d'Alger se veut une rupture définitive avec les tempêtes antérieures et a rappelé aux mémoires les retrouvailles franco-allemandes. La dégradation des relations entre les deux capitales remonte au 1991, au lendemain de l'interruption du processus électoral, à l'issue de la victoire du parti dissous aux législatives. Les rapports se sont davantage aggravés à la faveur de l'enlèvement des fonctionnaires français au Télemly et du détournement de l'avion d'Air France en décembre 1994. Pour lever les malentendus qui ont jalonné l'évolution des relations durant la décade écoulée, Jacques Chirac a voulu, à travers la visite de mars dernier, créer une sorte d'idylle ente les deux capitales et les deux peuples quasiment condamnés à vivre ensemble. Il voulait aussi tourner une page où les pesanteurs historiques ont marqué de façon négative les relations entre les deux pays. Des dossiers liés à la délivrance des visas ou à la revalorisation des pensions des anciens combattants de l'armée française et celles des anciens ouvriers des usines françaises ont été à l'ordre du jour des différents rounds de discussions entre les deux chefs d'Etat. L'incontournable dialogue entre les deux capitales n'en était, en fait, que différé. R. H.