«La conviction est la volonté humaine arrivée à sa plus grande expression.» Honoré de Balzac. La cinémathèque d'Alger a renoué en un moment de bonheur avec sa célèbre tradition de carrefour universel de la culture cinématographique des années 1970 où des célébrités de monstres sacrés de l'écran à l'image de Youcef Chahine, Salah Abou Seif, Jean-Luc Godard, Roger Hanin et d'autres venaient à la rencontre de l'intelligentsia algérienne qui épatait ses hôtes à travers de magistrales interventions à des débats très fructueux d'un palier de grande perspicacité intellectuelle. Ceci à la faveur d'une projection d'un film documentaire centré sur la vie et le parcours de Djoher Amhis Ouksel, cette femme d'exception qui est d'ailleurs le titre fort judicieux de cette oeuvre biographique présentée en avant-première au public. Pour une soirée ramadhanesque aux nuits trop courtes, il y avait une assistance venue nombreuse au rendez-vous avec une forte présence de femmes parmi lesquelles Madame Chitour Fadila, la présidente du prestigieux réseau Wassila. Le mouvement associatif, la communauté universitaire, enseignante et culturelle était de la rencontre où l'on a remarqué la présence du doyen des écrivains algériens Kaddour M'Hamsadji et son épouse ainsi que l'ancien ministre Kamel Bouchama. C'est à travers la projection du film-témoin intelligemment réalisé par Amirouche Malek que le fabuleux itinéraire de cette grande dame modèle d'abnégation a pu être revisité dans toute sa dimension à la lumière de la condition sociale de la femme à une époque charnière de l'histoire de l'Algérie. Avec une destinée hors du commun, l'assistance entièrement captivée par les différentes séquences du film a pu redécouvrir avec émerveillement la stature d'une femme qui, forte de sa seule volonté, a donné un sens à sa vie par la persévérance et la lutte perpétuelle pour se frayer un chemin vers l'univers du savoir et de la connaissance à dessein de les transmettre à ses soeurs pour se libérer des baillons de la soumission, de la marginalisation et de l'exclusion d'une société déstructurée par la tragédie du fait colonial. «Celles-ci savaient dans une résignation de fatalité souffrir en silence», a-t-elle, avec émotion, affirmé à ce propos. Voilà Djoher Amhis Ouksel, sa vie, son parcours, sa brillante scolarité, son intelligence, son accession aux cimes du savoir, ses titres universitaires, sa vocation innée de transmettre ses connaissances, d'enseigner en pédagogue émérite sont entièrement et fidèlement incarnés par ce film d'une démarche didactique instructive et d'un enchaînement événementiel dans les phases successives d'existence du peuple algérien pendant le naufrage de la longue nuit coloniale. La romancière de la mémoire,comme nous aimons la désigner, ne plie pas sous les années de l'âge de ses 87 ans, mais inversement elle redouble d'ardeur et de ténacité admirables pour perpétuer les racines culturelles d'algérianité à travers un cycle ininterrompu d'études, de recherches et de publications consacrées aux monuments de la littérature algérienne de Taous Amrouche à Mouloud Mammeri, de Mohamed Dib à Tahar Djaout, de Rachid Mimouni à Mohamed Benhadouga avec sans cesse des chantiers littéraires sur Frantz Fanon, Assia Djebar autant de repères phares fondamentaux en direction de la jeunesse et des générations montantes. Cela comme elle aime souvent à le marteler selon cette expression «l'Algérie est notre chère et sublime patrie, c'est un legs d'ancestralité de nos aïeux qui a été libéré d'un joug colonial de non-humanité par le sacrifice suprême des meilleurs de ses enfants. Notre devoir sacré demeure la fidélité du serment à pérenniser l'incommensurable richesse de son patrimoine d'historicité et d'authenticité». Pour la symbolique de cette rétrospective, l'écrivain, chroniqueur de renom, Kaddour M'Hamsadji, a conçu une dédicace de circonstance et dont lui seul a le secret de la formule, car inspiré par la lecture d'un ouvrage de Djoher Amhis Ouksel intitulé «La Sittelle». Amoindri momentanément par une déficience visuelle, il n'a pu en donner comme prévu publiquement lecture et a chargé l'auteur de ces lignes de la tâche. Cette dédicace d'esthétique littéraire est ainsi reproduite dans l'intégralité de sa teneur pour avoir suscité dès son écoute par l'assistance une clôture d'apothéose dans une intense émotion de réjouissance collective sous des tonnerres d'applaudissements ponctués par une salve de stridents youyous évocateurs de la reconnaissance, de la gratitude et de l'admiration affective témoignées dans une liesse d'euphorie à l'endroit de Djoher Amhis Ouksel, une mémoire scintillante de pédagogie éducative qui demeurera un exemple de dévouement à dessein de la valorisation et de l'épanouissement du patrimoine culturel d'algérianité. Proche et amie de notre Association, celle-ci a toujours répondu avec enthousiasme à toutes nos invitations où elle a, avec constance, encouragé toutes les initiatives culturelles porteuses menées en direction de la jeunesse, ce relais générationnel vital d'avenir et d'espoir dans la perspective des horizons et des défis de demain. Président de l'Association des amis de la Rampe Louni Arezki