Scène du film Après Couper, Coller en 2007, la réalisatrice et productrice égyptienne Hala Khalil est revenue dimanche dernier à Oran présenter son nouveau long métrage des plus passionnants en compétition officielle à la 9e édition du Festival international d'Oran du film arabe. Intitulé Nawara, le film dresse le portrait d'une jeune femme qui peine chaque jour à trouver de l'eau propre dans le bidonville où elle vit avec sa grand-mère. Elle travaille comme domestique dans la villa d'un ancien haut responsable de l'Etat devenu député. Il fait partie de ce qu'on appelle «la nouvelle classe». Leurs deux univers s'affrontent. Au-delà de ce synopsis synthétisant, il faut savoir que l'histoire se déroule en pleine effervescence de la chute du régime de Moubarak, avec toutes les promesses que cela comportait envers la classe pauvre, autrement plus de liberté et d'égalité sociale. Nawara qui assiste à ces vagues de protestations sur la place El Tahrir, de loin (souvent en écoutant la radio et en regardant la télé), espère des jours meilleurs pour elle et pour Ali avec lequel elle est mariée sur papier depuis 5 ans, mais sans vivre ensemble. Quand la famille du député décide de tout quitter et partir, celui-ci cède la maison à Nawara en lui faisant promettre de bien s'occuper d'elle et du chien de la demeure. Nawara est un film tendre et émouvant, dur par moments, mais aborde l'histoire de l'Egypte contemporaine avec clairvoyance et objectivité. En témoigne la fin du film qui se veut négative pour l'héroïne du film. En dépit de ça, le film accroche et ne lasse pas comme certains. La réalisatrice nous fait aimer ses personnages en les dépeignant parfois avec les traits de la naïveté, un geste de regard romantique, mais jamais défaitiste. Nous sommes en effet de plain-pied dans une période où les espoirs sont permis. Menna Shalabi qui incarne Nawara et Mahmoud Hemeda qui incarne le rôle de cet homme nubien, amoureux transi, forment à eux deux l'idée de l'acceptation de l'Autre et permettent à partir de ce contraste élargi à la classe sociale d'exprimer l'idée du rapprochement comme le bannissement de ce qu'oppose ce couple à la famille du député. Loin de tomber dans l'esprit manichéen, la réalisatrice évite les clichés du véreux personnage du riche, mais laisse sous-entendre un homme de pouvoir bien plus complexe humainement, que l'histoire de l'Egypte va rattraper et entraîner sa chute, tout comme elle influera de manière ou d'une autre sur toute la population. Aussi, les scènes d'amour et de tendresse échangées entre Nawara et Ali sont sublimes. Un homme aurait-il pu les filmer de cette manière? Une forme de liberté en tout cas qui manque à beaucoup de réalisateurs algériens. Hala Khalil gagne le public en interpellant son sens de la justice et procède à une mise en abîme des plus intéressantes lorsqu'elle dresse le portrait d'un chien à l'humour changeant. Agressif en apparence, mais prêt à défendre son maître quand il est nécessaire. La réalisatrice, lors du débat, reconnaîtra la symbolique du chien en évoquant une des scènes où le public a profondément interagi en applaudissant chaleureusement. La réalisatrice fera remarquer aussi que Nawara fait partie d'un triptyque de trois films distincts dont les deux suivants auront pour titre Armée et voyous et Cette nuit révolution... «Au départ je ne voulais pas faire un film sur la révolution car je sentais qu'elle était en changement perpétuel et passait par plusieurs niveaux chaque jour. Mais le sujet m'a obsédé à tel point où je me suis vite mise à écrire le scénario. En même temps je n'arrivais pas écrire autre chose. Parler de ce qui se passait était comme boire et manger. Ça occupait tout notre temps. Quand je me suis mise sérieusement à analyser la situation, je me suis posé plein de questions quant à l'honnêteté de tout ce qui se tramait autour. Moi personnellement je suis descendue dans la rue pour les pauvres. Mais hélas! la révolution s'est retournée contre nous et contre eux. Je voulais à juste titre écrire sur un rêve qui se transforme en cauchemar. Le film je n'arrive pas à le voir à distance car ce que je raconte, nous le vivons encore. Mon objectif était que les spectateurs en sortent, tristes, troublés mais en colère avec la ferme volonté et envie de vouloir sauver Nawara et tous les opprimés. La révolution est une pensée romantique. Je dis souvent que nous avons commis des erreurs d'une certaine façon car nous étions novices dans le domaine. Je précise que les manifestants sont souvent poussés par le rêve romantique, pas par l'expérience politique. Mais si c'était à refaire, je le referais!»