Scène du film Le Puits avec la comédienne Nadia Kaci Le Festival international d'Oran du film arabe a d'ores et déjà atteint son rythme de croisière, néanmoins avec une certaine baisse de fréquentation du public. Est-ce dû à la saison estivale qui pousserait plutôt les gens à aller à la plage? Côté programmation le Fiofa qui entend faire comme les autres festivals, autrement dit la démultiplication des projections, connaît ses limites quant à communiquer sur les points de presse qui se font de façon quasi spontanée et durant les projections-même. Pour notre part, notre choix a été vite fait: regarder des films! Côté longs métrages, lundi dernier c'est le film algérien Le Puits de Lotfi Bouchouchi qui aura gagné haut la main l'adhésion du public. Ce dernier, comme à Cannes, a accueilli la fin de sa mission par des salves d'applaudissements nourris et des youyous. Désarmé face à un trop plein d'émotion, le réalisateur n'a pu s'empêcher de pleurer de joie, mais aussi de révolte car ce n'est que maintenant qu'il a été sélectionné pour la première fois dans un festival national, ajoutant que son cadeau et sa récompense sont venus lors de cette journée avec l'engouement du public. Pour rappel, Le Puits met en scène des femmes et des enfants qui, dans un village du Sud algérien, se retrouvent assiégés par des soldats et ne peuvent sortir au risque de se faire tuer. Petit à petit, ces villageois sont confrontés à la soif. Au point où bientôt se pose pour eux le dilemme de choisir leur mort...Un film qui a su séduire et capter l'attention du public. Dans un autre registre abordant pourtant la même thématique, à savoir résister contre la mort, se décline le film du réalisateur syrien Joud Said, un habitué du festival. C'est en son absence que le film sera projeté accompagné d'un message du scénariste, qui sera lu devant l'assistance de la salle Maghreb. Celle-ci soulignera le désir du réalisateur de continuer à faire du cinéma coûte que coûte, un moyen pour dire la vie avant tout. Dans son film intitulé en arabe En attendant l'automne et en français En attendant la chute, l'histoire est celle d'une femme qui découvre que l'officier de l'Armée arabe syrienne qu'elle aime est devenu dissident. L'officier est lui-même étonné par sa propre dissidence annoncée sur les réseaux sociaux. C'est également l'histoire d'une équipe de volley-ball féminine qui s'attache à la vie au milieu de la guerre et de la destruction. C'est aussi l'histoire d'un réalisateur désabusé qui refuse de quitter le pays malgré les conseils incessants de sa femme et qui finit par être kidnappé et tué à la fin....Dans tout ça, Joud Saïd distille de la poésie dans l'image et transmet son message propre à l'humanité. Dénonçant la manipulation de l'opinion publique qui se fait sur les réseaux sociaux, Facebook, le réalisateur connu pour ses positions politiques pro Bachar El Assad reconnaît volontiers le mensonge qui prévaut dans sa société, mais choisit d'emblée à la place de la guerre, la vie en paix. Dans cette comédie noire, où les dialogues sont souvent moralisateurs ou emphatiques, le réalisateur qui a boycotté pas mal de festivals il y a quelques années, assume dans son film un discours clair et limpide dicté par l'amour de la patrie avant tout. Aussi, passe-t-il par le démonstratif en tuant des personnages et en nous montrant le sang. Des personnes qu'il fera ressusciter au final. Seule note de trop qui témoigne paradoxalement de l'horreur des guerres qui déciment, mais ne réveillent pas le mort. Il n'est pas trop tard donc pour bien faire semble-t-il sous-entendre a fortiori avec un pareil titre qui invite à l'attente de la chute de l'effervescence du printemps arabe et goûter à l'automne. C'est ce qui se passe pourtant aujourd'hui dans le monde. Une vision philosophique à méditer, déclinée cependant sur un ton qui frise la couleur propagandiste. Si ce n'est le profil du photographe/réalisateur, véritable miroir cynique de Joud Saïd (qui a un petit rôle dans le film) qui nous pousse à repenser les choses avec sagesse et une certaine remise en question. Enfin, laissons le meilleur pour la fin, le film libanais Kteer kbeer de Mir-Jean Bou Chayaa a clôturé la journée dans la section long métrage en compétition. Un film fort, ayant emporté le Grand Prix cette année au festival de Marrakech. Un film qui dénonce pour sa part la manipulation de la violence et partant de là, des masses par des subterfuges bien singuliers réalisés habilement et avec intelligence. Jad est sur le point d'être libéré après avoir été emprisonné à la place de son frère, Ziad, un trafiquant de drogue. Ziad qui veut changer de vie est rattrapé une nouvelle fois par le crime. Un jour il apprend qu'on peut faire passer la drogue dans les boîtes de bobines de films. Aussi, il décidera de produire un film et pour contourner l'attention sur lui il fera croire qu'il est menacé à cause du caractère engagé de son histoire et n'ayant pas froid aux yeux il finira par s'engager politiquement. Drôle et touffu, Kteer kbeer aborde les nombreux travers de la société libanaise entre trafic, corruption, religion, intolérance, violence et désordre existentiel. Crevant l'écran, l'acteur principal Alain Saadah est souvent filmé en gros plan, nous laissant presque entrevoir ses pulsions intérieures et ses silences colériques. Intéressant d'un point de vue scénaristique, même s'il peine à prendre son envol au début, Kteer kbeer finit par happer la curiosité du spectateur qui tend à en demander plus tant le film semble insatiable en rebondissements et prêt à aller jusqu'au bout de èses promesses, et ce, malgré ses longueurs. Et c'est cela son génie. Farouk El Fishawi acteur égyptien «Je suis contre les films sur la révolution» Lors d'un point de presse animé à l'hôtel Royal, à Oran, le célèbre acteur égyptien parlera de son pays avec franchise et sans langue de bois, affirmant être contre le pouvoir de l'armée, même s'il respecte Sissi. «Il est temps qu'on ait un président civil» argue-t-il et d'avouer qu'il était militant pour le parti nassérien. A propos du retour en force de Adel Imam à travers de nombreuses séries télés qui marchent, l'acteur fera remarquer, excédé que l'Egypte est plus grande que Adel Imam et ses millions. Dans un autre registre Farouk El Fisahwi dira être contre le hidjab et le voilement des comédiennes. Il avouera par ailleurs qu'il rêve d'incarner au cinéma le rôle du pape car il était pour la cause palestinienne. L'acteur égyptien dira encore être contre les films qui se font sur la révolution car ils sont fabriqués dans l'urgence et la révolution n'est pas encore finie. A l'exception du film Nawara de Hala Khalil, qu'il dira avoir aimé, car il laisse une fin ouverte.