Les églises de la capitale libanaise ont sonné le glas et les muezzins des mosquées ont récité la prière des morts. Même mort l'ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri, tué lundi dernier dans un attentat terroriste, a su unir le peuple libanais dans sa diversité. En effet, l'architecte de la reconstruction a eu droit, hier, à des obsèques multiconfessionnelles. Conformément à la volonté de sa famille, Rafik Hariri a eu droit à des obsèques populaires et «non officielles» désavouant ainsi le gouvernement libanais qui avait annoncé des «funérailles nationales». Quelques heures avant l'inhumation, les muezzins des mosquées récitaient la prière des morts et le tintement des cloches des églises remplissaient le ciel de Beyrouth. Cela au moment où des milliers de personnes continuaient d'affluer vers la place des Martyrs où devait être enterré le défunt. Une foule considérable, évaluée à plusieurs centaines de milliers de personnes, s'était rassemblée au cours de la matinée sur la grande place et dans les rues voisines, noires de monde. Aucun membre important du gouvernement libanais - les officiels étant «indésirables» - n'était visible pendant les cérémonies, auxquelles ont cependant assisté le président du parlement Nabih Berri et des députés. Côté délégations étrangères devant prendre part aux obsèques, seuls le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, le secrétaire d'Etat adjoint américain pour le Proche-Orient William Burns, de même que l'émissaire spécial européen pour le Proche-Orient, Marc Otte, le ministre des Affaires étrangères de l'Autorité palestinienne, Nabil Chaâth, le conseiller du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, en l'occurrence Lakhdar Brahimi, le Premier ministre égyptien Ahmed Nazif, le président de l'APN, Ammar Saïdani et le chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos, étaient présents aux obsèques. Le président français Jacques Chirac doit arriver à Beyrouth dans la journée pour présenter ses condoléances à la famille de Rafik Hariri qui était «un ami personnel.» Par ailleurs, de nombreuses personnalités de l'opposition et les plus hauts dignitaires religieux étaient également présents dans le cortège ou à la mosquée. L'armée et la police libanaise s'étaient déployées en force depuis l'aube dans le secteur menant à la mosquée. Des scènes d'hystérie ont été enregistrées tout le long du parcours du cortège funéraire. Le cercueil de Rafik Hariri était porté à bout de bras, noyé dans une foule immense et compacte qui empêchait son transport jusqu'à la mosquée Mohammed Al Amine, sur la place des Martyrs. Des centaines de mains se tendaient pour tenter de toucher le cercueil porté par ses quatre fils et d'autres membres de sa famille qui n'arrivaient pas à se frayer un passage. Dans la bousculade, son fils aîné, Bahaeddine, est à un certain moment tombé à terre avant d'être relevé par la foule. Il a alors été hissé sur les épaules d'un homme et a exhorté la foule, mais sans grand succès, à ouvrir un passage pour que le cercueil puisse être transporté jusqu'à l'entrée de la mosquée. Le cercueil de Rafik Hariri a même été ouvert au milieu d'une grande confusion au milieu d'une foule survoltée et compacte mercredi en mi-journée au coeur de Beyrouth, sa famille ne parvenant pas à le porter jusqu'à la mosquée avant son inhumation. Au moment de la cérémonie d'inhumation sur la place des Martyrs, les églises de la capitale libanaise ont sonné le glas et les muezzins des mosquées ont récité la prière des morts La dépouille a alors été inhumée dans une tombe creusée sur la place. Avant le départ du cortège funèbre, devant la résidence de Rafik Hariri, des milliers de Libanais en colère ont scandé : «La Syrie dehors!», «Disons la vérité, la Syrie on n'en veut pas !». Le cercueil avait été transporté en début de matinée de l'hôpital de l'université américaine de Beyrouth jusqu'à son domicile puis avait été installé dans une ambulance pour prendre le chemin de la grande mosquée Mohammed Al-Amine. La foule, venue de différentes parties du Liban, a afflué de partout vers le centre-ville. Mais seule une partie a pu pénétrer sur la place des Martyrs. Rappelons qu'à la veille des obsèques, mardi, des manifestations se sont déroulées un peu partout dans le pays, avec des accusations lancées contre la Syrie, tenue par beaucoup de Libanais, en particulier l'opposition, pour responsable de l'attentat de lundi.