«Lorsque le président Jacques Chirac est venu au Liban, il a complètement ignoré le gouvernement...» Le voyage de Jacques Chirac au Liban, pour présenter ses condoléances à la famille de l'ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri et les déclarations qu'ils avaient faites à cette occasion, n'ont pas manqué de susciter des grincements de dents auprès des autorités libanaises. Pris en étau entre les exigences de l'opposition, à savoir le départ du gouvernement et le retrait immédiat des troupes syriennes du Sud-Liban, et les pressions américaines de l'autre, les autorités libanaises sortent ainsi de leur silence. En effet, le ministre de la Défense libanais Abdel Rahim Mrad a accusé, hier, le président français d'encourager l'opposition à «l'escalade» et a violemment critiqué la position de Paris après l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafik Hariri. «Lorsque le président Jacques Chirac est venu au Liban, il a complètement ignoré le gouvernement, le président de la République et tout le monde», a dit M.Mrad. Et à ce dernier d' estimer que «la position de la France a été la plus extrémiste» de toutes celles qui ont été formulées après l'assassinat de Rafik Hariri, ami personnel du président français, tué le 14 février dans un attentat spectaculaire au coeur de Beyrouth. Le ministre de la Défense a aussi qualifié de «décision erronée» l'appel des Affaires étrangères françaises qui ont recommandé aux Français de «différer tout voyage au Liban qui n'aurait pas un caractère d'urgence et d'annuler dans les jours à venir tout déplacement qui ne serait pas indispensable». Un appel que le ministre libanais de la Défense souhaite «qu'il ne durera pas longtemps et que la France reviendra sur cette décision erronée». Le ministre libanais de la Défense est allé jusqu'à considérer que la position américaine est plus «équilibrée» par rapport à celle de la France qu'il qualifie d' «irrationnelle». En d'autres termes, «si l'on veut comparer la position américaine était plus équilibrée car (Washington) n'a accusé personne et a demandé une accélération de l'enquête, ce qui revêt une certaine rationalité. Mais la position de la France est irrationnelle». M.Chirac a effectué mercredi, le jour des obsèques de Rafik Hariri qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes, une visite privée au Liban de près de huit heures consacrée à présenter ses condoléances à la famille du défunt qu'il a qualifié de «grand démocrate» et d'«homme d'Etat». Il n'avait rencontré aucune personnalité politique ou officielle. La France a en outre réclamé une enquête internationale sur l'attentat contre Hariri, qui a coûté la vie à 14 autres personnes. La déclaration du ministre libanais de la Défense intervient au lendemain de l'annonce par l'opposition libanaise d'un «soulèvement pour l'indépendance» alors que les appels à la démission du gouvernement se multiplient, quatre jours après l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafik Hariri. De son côté, le ministre du Tourisme Farid Khazen a démissionné, jugeant le gouvernement «impuissant et incapable» de faire face à la situation. «En réponse à la politique criminelle et terroriste des autorités libanaises et syriennes, l'opposition libanaise déclare un soulèvement démocratique et pacifique pour l'indépendance», a décidé l'opposition au cours de sa première séance plénière depuis l'assassinat de Rafik Hariri. «La formation d'un gouvernement transitoire est une nécessité nationale absolue» et sa tâche est «d'assurer un retrait immédiat et total de l'armée syrienne, en préambule à la tenue d'élections législatives libres et honnêtes», a ajouté Samir Frangié. Le ministre de l'Intérieur Soleiman Frangié a répondu vendredi que le gouvernement refusait d'être «tenu pour responsable de cet assassinat». A l'initiative d'ONG, une pétition a déjà reçu plusieurs milliers de signatures circule, soutenant la demande d'une enquête internationale proposée par la France et l'Union européenne, ce qui a été rejeté par les autorités libanaises.