Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n'est visiblement pas un adepte de l'adage qui veut que la vengeance soit un plat qui se mange froid. Aussitôt après avoir déjoué, avec le soutien de la population et d'une partie des services de sécurité, le coup d'Etat qui l'avait visé vendredi, il a commencé, dès samedi après-midi, à couper des têtes à la pelle. Des centaines de généraux et de magistrats ont déjà été arrêtés à travers la Turquie pour leur soutien présumé à la tentative de putsch. Devant une foule dense à Istanbul où il a participé aux obsèques d'un «martyr» du putsch dans la mosquée Fatih, Recep Tayyip Erdogan a promis d'éliminer «le virus» des institutions. «Nous allons continuer d'éliminer le virus de toutes les institutions étatiques», a-t-il lancé, regrettant que «ce virus, comme un cancer, s'est propagé à tout l'Etat». «Le grand ménage continue», avait déclaré auparavant le ministre de la Justice, Bekir Bozdag, cité par l'agence Anadolu, à propos des coups de filet en cours. «Il y a environ 6000 personnes en garde à vue» dont 3000 soldats, des dizaines de généraux, de juges et de procureurs. D'après la télévision NTV, 34 généraux ont été arrêtés jusqu'à présent. Il s'agit notamment de figures emblématiques de l'armée comme Erdal Ozturk, commandant de la troisième armée, et Adem Huduti, commandant de la deuxième armée. Dans la ville de Denizli, dans l'ouest de la Turquie, le commandant de la garnison Ozhan Ozbakir a été arrêté hier avec 51 soldats, a annoncé l'agence Anadolu. Par ailleurs, un gradé de haut rang de l'armée de l'air, le général Bekir Ercan Van, et une douzaine d'officiers ont été arrêtés sur la base d'Incirlik, utilisée par la coalition internationale pour ses raids contre les groupes terroristes en Syrie, a annoncé de son côté le quotidien Hürriyet. Un responsable turc a indiqué à la presse qu'Ankara soupçonnait que la base d'Incirlik avait été utilisée pour le ravitaillement des avions de chasse utilisés par les putschistes vendredi soir. La purge ne se limite pas à l'armée, poursuit l'agence Anadolu, qui rapporte que des mandats d'arrêt ont été délivrés à l'encontre de 2745 juges et procureurs dans toute la Turquie. Plus de 500 ont déjà été arrêtés, a affirmé la télévision NTV. Le nombre total des arrestations est difficile à estimer, mais l'agence Dogan a indiqué que 44 juges et procureurs avaient été arrêtés dans la nuit dans la ville de Konya (centre) et 92 dans celle de Gaziantep. L'enquête sur le coup d'Etat raté a été confiée à des procureurs d'Ankara et les personnes arrêtées sont soupçonnées de liens avec le prédicateur exilé aux Etats-Unis, Fethullah Gülen. Accusé par le président Erdogan d'avoir fomenté cette tentative de putsch, l'imam a fermement démenti. Le président Erdogan a demandé l'extradition de son ancien allié à Washington. Le ministre du Travail, Suleyman Soylu, est allé plus loin : «Derrière ce coup d'Etat, il y a les Etats-Unis. Quelques magazines publiés là-bas mènent des actions depuis quelques mois. Les Etats-Unis ont l'obligation de nous livrer Fethullah Gülen», a-t-il dit à la presse.