C'est la première fois qu'un chef de la diplomatie américaine fait l'impasse sur Le Caire lors d'une tournée au Proche-Orient. «L'Algérie est loin d'être un modèle en matière d'ouverture démocratique», déclarait il y a quelques mois à partir de la capitale italienne le président égyptien. A l'époque, Hosni Moubarak ne faisait que répondre à la question d'un journaliste, par rapport au projet américain, dit du Grand Moyen-Orient. Et plus précisément l'appréciation positive de l'administration de Washington, quant à l'avancée démocratique notable enregistrée par l'Algérie et que le président égyptien n'approuvait pas. Cette fois, M.Moubarak, dont le pays s'apprêtait à recevoir, le 3 mars prochain, une conférence entre les pays arabes et les pays les plus industrialisés du G8, doit se rendre compte, après l'annonce du report de la conférence du Caire, que la démocratie est loin d'être un concept de conjoncture, mais une pratique concrète, issue d'un combat de longue haleine. A noter que le report de la conférence du 3 mars prochain, a été annoncé dans un communiqué laconique du ministère égyptien des Affaires étrangères. Le communiqué du chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, explique le report de la rencontre G8-pays arabes par le fait que ces derniers avaient souhaité ce délai pour que la réunion se tienne après le sommet d'Alger, prévu les 22 et 23 mars et qu'une nouvelle date serait envisagée «à travers les canaux diplomatiques». Un argument qui ne tient pas la route d'autant plus que techniquement et même politiquement, rien ne gênerait la tenue de la conférence. Ce qui dénote on ne peut plus clairement la gêne dans laquelle se sont retrouvées les autorités égyptiennes. Surtout que le report de la conférence est intervenue après une visite, mardi dernier, à Washington, de M.Aboul Gheit au cours de laquelle l'Egypte a été critiquée publiquement par la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice après la mise en détention, le 21 janvier, du chef du nouveau parti d'opposition libérale Al-Ghad (Demain), Ayman Nour. Cette interpellation avait été critiquée par la presse américaine, qui a multiplié ces derniers temps les attaques contre le régime du président Hosni Moubarak, le qualifiant de «dictature». A l'issue de ses entretiens à Washington avec M.Aboul Gheit, Mme Rice avait exprimé la «vive inquiétude» de son gouvernement après l'arrestation de M.Nour, en exprimant l'espoir qu'une «solution rapide» serait trouvée à cette épineuse affaire. Un porte-parole de Mme Rice avait laissé clairement entendre que la nouvelle responsable de la diplomatie américaine, ne comptait pas assister à la réunion G8-Pays arabes. Par ailleurs, le geste significatif de Mme Rice de sauter l'étape égyptienne lors de sa tournée dans la région du Moyen-Orient dénote à la désapprobation par la Maison Blanche du système politique égyptien. C'est la première fois depuis des années que le chef de la diplomatie américaine fait l'impasse sur Le Caire lors d'une tournée au Proche-Orient. L'affaire Nour est en train de troubler les relations égypto-américaines comme l'avait fait quelques années auparavant l'affaire Saad Eddine Ibrahim, président du centre Ibn Khaldoun pour les droits de l'homme, libéré en 2002 sous la pression des Etats-Unis, après son incarcération pour «atteinte à l'image de l'Egypte» à l'étranger. Le quotidien américain Washington Post, qui, dans un de ses derniers articles, avait demandé au président George Bush d'intervenir directement auprès de M.Moubarak pour qu'il ne se représente pas, est revenu à la charge la semaine dernière, accusant le chef de l'Etat égyptien de «marchander» son appui au processus de paix israélo-palestinien contre le soutien américain à son maintien au pouvoir. La présidence égyptienne avait rejeté les critiques américaines et «toute intervention étrangère dans les affaires intérieures égyptiennes», a déclaré Souleimane Awad. Il a expliqué que l'affaire Nour était une affaire «pénale et non politique» et qu'elle était entre les mains de la justice égyptienne, dont, selon lui, «l'impartialité est reconnue». Le torchon brûle, donc entre les Etats-Unis et l'Egypte, qui a pourtant servi des années durant, d'intermédiaire dans le conflit israélo-palestinien et dont le dernier acte en date est le sommet de Charm El-Cheikh.