Le chef de l'Etat égyptien veut se poser aux yeux de la communauté internationale comme le «champion» de la lutte antiterroriste. Sur fond de campagne pour l'élection présidentielle, le chef de l'Etat égyptien franchit le pas en s'arrogeant la qualité de «guide» autoproclamé de la nation arabe. Même l'Algérie en sa qualité de président en exercice de la Ligue arabe, n'aurait pas osé annoncer, à titre unilatéral, la tenue d'un quelconque sommet arabe. Eh bien, le président égyptien l'a fait, bousculant toutes les dispositions protocolaires et moeurs diplomatiques d'usage. Qu'est-ce qui aurait donc motivé la décision de Hosni Moubarak de passer outre les textes de la Ligue arabe et les règles régissant ses structures en convoquant un sommet extraordinaire de cette organisation? A première vue, le chef de l'Etat égyptien se voyant pressé par les Américains d'ouvrir son pays au pluralisme politique véritable, de lutter contre la corruption, dans le sillage du projet du Grand Moyen-Orient (GMO) a saisi à la volée l'opportunité des attentats sanglants de Charm Al Cheikh, ayant fait près d'une centaine de morts pour faire de la lutte antiterroriste le point prioritaire du sommet extraordinaire de la Ligue arabe. Une façon de «voiler» l'essentiel, à savoir les réformes politiques en Egypte, réclamées par la rue sur fond d'émeutes et d'arrestations dans les rangs de l'opposition. Il est ainsi clair que l'objectif du chef de l'Etat égyptien d'abriter un sommet de la Ligue arabe sur les lieux mêmes des attentats du 23 juillet est de se poser aux yeux de la communauté internationale comme le «champion» de la lutte antiterroriste dans le monde arabe. Ce qui se veut être un appel du pied on ne peut plus direct aux Etats-Unis, qui, rappelons-le, ont, maintes fois, critiqué le mode de gouvernance de Hosni Moubarak. D'autant plus que le dossier sécuritaire constitue pour la Maison-Blanche la priorité de l'heure. L'autre raison, et non des moindres, ayant dicté au président égyptien sa conduite, est le fait que l'Algérie, citée en exemple comme pôle incontournable dans le monde arabe en matière de lutte antiterroriste par le département d'Etat américain, commence à faire de l'ombre à l'Egypte. Au chapitre des réformes politiques, l'Algérie qui n'est pas concernée par le projet américain du GMO, est de fait pionnière en matière d'ouverture démocratique. Même si le président égyptien trouve que «l'Algérie est loin d'être un exemple en matière d'ouverture politique», ce qui est par ailleurs curieux, c'est le fait que le secrétaire général de la ligue arabe - simple coïncidence ou déclaration calculée? - annonce le même jour où Hosni Moubarak annonçait son initiative, à partir de sa ville natale, que le prochain sommet extraordinaire «revêt une importance en ce sens qu'il dégagera une position arabe unifiée face aux développements dangereux que connaît la région». Pourtant, l'ancien chef de la diplomatie égyptienne, plus prompt à réagir, à la veille du dernier sommet d'Alger et avec une rare fermeté par rapport aux exigences de l'Algérie d'une réforme en profondeur de la Ligue arabe, avec notamment l'instauration d'une présidence tournante, n'a pas hésité à relayer la proposition de « son » président. Où sont donc, M.Amr Moussa, les règles éthiques et le respect des textes de la Ligue arabe? Mettre un pays, de surcroît président en exercice de la Ligue arabe devant le fait accompli, en annonçant sans la moindre concertation la tenue d'un sommet extraordinaire, fait-il partie de l'esprit tant escompté de l'unité arabe? Ce qui est aberrant, c'est que le sommet de Charm Al Cheikh, estime Moussa « planchera sur des sujets bien précis qui feront l'objet d'un rapport, lequel sera soumis aux dirigeants arabes ». Encore une fois, de quel rapport parle le patron de la Ligue arabe, sachant que d'après des sources sûres, le sommet a été préparé «dans les plus hautes sphères de l'Etat égyptien»? D'ailleurs, c'est le gouvernement égyptien qui a entamé l'invitation des chefs d'Etat arabes pour prendre part au sommet de Charm Al Cheikh. A noter qu'une source autorisée du ministère algérien des Affaires étrangères a annoncé qu'elle ne prendra pas la responsabilité d'inviter les souverains et chefs d'Etat arabes, en tant que président en exercice de la ligue. Bien qu'elle ne voit «aucune objection sur le plan des principes» à la tenue d'un sommet, qu'il soit ordinaire ou extraordinaire. L'Algérie n'est donc concernée ni de près ni de loin par la décision de tenue de ce sommet. Pour la source du ministère des Affaires étrangères, «les seules consultations sur ce sujet ont eu lieu entre l'Algérie, l'Egypte et le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes où il n'était question que d'un mini-sommet regroupant les seuls pays voisins de l'Irak et de la Palestine». Le chef de la diplomatie algérienne va-t-il prendre part aux réunions préparatoires du sommet de Charm Al Cheikh? Si c'est le cas, l'Algérie va-t-elle remettre sur le tapis le dossier des réformes de la ligue ou, au contraire, faire de la figuration?