Ils menacent d'instrumentaliser même les mosquées Fabricant des arguments de toutes pièces, les islamistes ne visent qu'une seule fin: gagner leur bataille idéologique en abattant Benghebrit. Les moyens, ils s'en fichent. Au vu de l'encre qu'ils ont fait couler, les islamistes se donnent l'air d'être des géants. En multipliant les sorties publiques, en haussant le ton et en adoptant des positions radicales de rejet du projet de réforme du système éducatif, ils ont fait parler d'eux et l'apparent consensus qui semble guider leur démarche hostile à Nouria Benghebrit renforce considérablement cette image de mouvance politique forte, cohérente et disciplinée. Néanmoins, à les analyser de près, les gesticulations islamistes, de surcroît non fondées sur des éléments concrets, sont une simple tempête dans «un bol de soupe». En effet, objectivement, au-delà des cris qu'ils lancent çà et là et qui retiennent l'attention des adeptes de leur cause, de moins en moins nombreux après les débâcles électorales qu'ils ont subies lors des précédentes élections législatives et locales, les islamistes ne peuvent rien faire. Bien qu'ils aient constitué une coalition, L'Alliance de l'Algérie verte en l'occurrence, dans une période où une immense vague verte soufflait sur tous les pays de l'aire arabo-musulmane, ils ont été amèrement battus et comptent pour l'heure moins de 50 représentants à l'Assemblée populaire nationale suite notamment aux défections qu'ils ont enregistrées dans le sillage du départ d'Amar Ghoul. De fait, même s'ils se mettaient d'accord, ils ne peuvent pas empêcher l'adoption de la réforme par le Parlement. Au niveau du gouvernement, le poids des islamistes en cours est plus minime, voire inexistant. En effet, après le retrait du MSP du gouvernement et le limogeage de Ghoul, il ne reste plus d'islamistes dans l'équipe gouvernementale et les sensibilités individuelles qui s'y sont incrustées au fil du temps ne sont pas en mesure de peser sur le processus décisionnel. Mais pas seulement. Car, piégés par leur proximité tactique avec le pouvoir, ils peuvent se permettre des écarts, des comportements hostiles, des oppositions, etc., mais ils ne peuvent jamais dépasser certaines lignes rouges au-delà desquelles toute possibilité de retour dans le giron du pouvoir devient exclue. L'autre point sur lequel les islamistes semblent vouloir s'appuyer dans la guerre qu'ils mènent contre Benghebrit, c'est le recours aux mosquées et la mobilisation de l'opinion à travers les prêches du vendredi, notamment depuis l'implication publique de Djelloul Hadjimi, président de la Fédération des imams affiliée à l'Ugta. Seulement, ce qu'ils oublient, c'est que la loi interdit catégoriquement l'implication de la mosquée dans les affaires politiques et que tous les prêches sont soumis à l'approbation du ministère des Affaires religieuses. De ce point de vue, il est inconcevable que Mohamed Aïssa mette entre les mains des islamistes l'arme par laquelle il abattrait sa collègue Nouria Benghebrit et ce d'autant plus que, aussi franchement qu'elle, il assume son attachement à la modernité et à ce qu'il appelle «l'islam de Cordoue». A la lumière de tous ces éléments, ce n'est ni plus ni moins qu'une grosse surenchère que de considérer que les islamistes constituent une menace pour la réforme du système éducatif et pour la bonne marche de l'agenda du gouvernement. Ils savent que la communication vaut son pesant d'or en politique et c'est à travers un matraquage médiatique qu'ils veulent faire avaler leurs couleuvres aux Algériens. Ceci est d'autant plus vrai que, en plus de l'inconséquence politique de leur démarche, les islamistes n'ont aucun argument valable à présenter et leur réquisitoire est fondé entièrement sur des supputations. En effet, l'ensemble des acteurs de la mouvance islamiste, partis, associations et syndicats confondus, se sont mobilisés pour rejeter le projet de réforme de Benghebrit, qui s'articule autour de la modernisation et de l'algérianisation de l'école, en menant une campagne mensongère contre elle. Contre toute bonne morale et toute minimale responsabilité, certains acteurs politiques veulent tout bonnement charcuter Benghebrit en faisant croire à l'opinion nationale et internationale que la ministre de l'Education veut supprimer «les sciences islamiques de l'école», qu'elle est «une dame au service de la France», comme le dit Abderrezak Makri, qu'elle «est chargée d'une mission douteuse, dont le but est de porter atteinte à l'identité algérienne», comme l'a indiqué Abdelmadjid Menasra, etc., ce qui est absolument faux. En effet, il n'a jamais été question de supprimer les sciences islamiques des programmes scolaires ou de réduire les volumes horaires dévolus à cette matière. «La matière d'éducation islamique est partie intégrante du parcours scolaire obligatoire des écoliers à tous les paliers. Elle n'est pas concernée par une réduction de son volume horaire ou de son coefficient», précise le Premier ministre, dans une réponse écrite à une question du député islamiste Fateh Rebai. Toutefois, le match va bientôt prendre fin et les islamistes, qui ont déjà perdu celui, politique, des législatives, vont sans nul doute perdre le deuxième, qui est lui idéologique. C'est naturellement leur fin qui approche.