L'Association des imams a franchi le Rubicond: ce n'est pas seulement l'école qui est menacée, mais c'est toute la République qui est en danger. Grave escalade des islamistes et des conservateurs de tous bords réfractaires à la réforme de l'école. Hier, ils sont passés à la vitesse supérieure en proférant des menaces qui devaient, en principe, faire réagir, et vite, le gouvernement. L'Association des imams a franchi le Rubicond en se disant prête à l'utilisation de la mosquée pour la mobilisation des fidèles contre la ministre de l'Education et son programme de la réforme. «Le premier rôle de l'imam est celui de défendre les constantes de la nation et la religion de tous les Algériens, qui est l'islam. Notre langue et notre religion sont des lignes rouges à ne pas franchir», a menacé Djeloul Hadjimi. Nous voilà donc arrivés au point de non-retour où la mosquée est brandie comme menace pour bloquer une action gouvernementale. Il ne s'agit pas d'une utilisation à des fins politiques mais plus grave encore, «de rébellion» contre le gouvernement. C'est au ministre des Affaires religieuses maintenant de se faire entendre et c'est au Premier ministre à son tour de brandir le glaive de la loi. Ce n'est pas seulement l'école qui est menacée mais c'est toute la République qui est en danger. A quelques jours de la présentation du rapport de la commission chargée de l'élaboration du programme de la réforme du système d'organisation de l'examen du baccalauréat au gouvernement prévue initialement pour le 24 du mois courant, les partis islamistes affûtent leurs armes et s'engagent dans une course contre la montre pour mettre la pression sur le gouvernement, afin de bloquer son application. Une dizaine de participants à la conférence consacrée au lancement de «l'initiative algérienne sur la révision du système éducatif», affirment avoir trouvé la solution magique pour hisser le niveau de l'école algérienne. La réforme du système éducatif, pour eux, ne pourrait réussir qu'avec le renforcement de l'enseignement des sciences islamiques et l'augmentation du volume horaire de l'enseignement de la langue arabe, deux mesures qui ouvriront grandes les portes du paradis aux jeunes écoliers. Les participants à cette rencontre n'ont pas manqué l'occasion pour charger la ministre de l'Education, en l'accusant d'avoir trahi le serment des martyrs de la révolution. Ces derniers déclarent la guerre et menacent de recourir à d'autres moyens pour empêcher l'application du programme de la réforme du système éducatif, de l'organisation de l'examen du baccalauréat, et ce, avant même le dévoilement du contenu des deux programmes actuellement en élaboration. L'intervention du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, pour encadrer le débat sur la réforme éducative ne semble pas avoir eu d'échos chez les partisans des sciences islamiques qui adoptent un discours radical, véhiculent des messages nourris de haine, de menaces et de mises en garde contre toute tentative de toucher aux deux constantes de la nation, l'arabe et l'islam, tout en reniant la dimension amazighe de l'identité nationale. Pour le chargé de la communication de l'Union nationale du personnel de l'éducation et de la formation, la démarche de la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit, vise à «dépouiller l'école algérienne de ses valeurs, en optant pour la réduction de la place des sciences islamiques et de favoriser l'enseignement de la langue française au détriment de la langue arabe, ce qui est inacceptable» a-t-il martelé. De son côté, le président de l'Association des parents d'élèves, Ali Benzina, estime que l'adoption de la langue française dans l'enseignement des matière techniques est une aberration. «L'anglais est, aujourd'hui, la langue du savoir; au lieu de perdre du temps et l'argent dans la traduction des texte scientifiques de l'anglais au français il est plus judicieux d'introduire la langue anglaise dans le système éducatif à la place du français que de continuer à travailler dans ce système», a-t-il soutenu. Pour ce qui est de la place des sciences islamiques dans le système éducatif, M.Benzina affirme avec certitude que «l'islam est la religion de tous les Algériens et son enseignement devrait être obligatoire, et ce, afin d'inculquer aux jeunes écoliers les valeurs de cette religion de paix». Par ailleurs, le Dr Amar Djidel estime que le programme de la réforme du système éducatif tel que conçu par le ministère de l'Education nationale, «ne répond pas aux aspirations de la société algérienne, une société conservatrice et très attachée aux valeurs religieuses». Pour ce dernier, le programme proposé par la ministre de l'Education marque le début d'une rupture entre l'école et la société, ce qui constitue un danger pour l'avenir du pays. «L'Algérie a besoin de sérénité, de stabilité dans ces moments difficiles, c'est pour cela que l'intervention du gouvernement pour mettre fin à ce débat, est impérative pour nous expliquer d'une part ce qu'il veut faire de cette école». Cependant une question se pose: qu'adviendra-t-il du mouvement au cas où le gouvernement répondra favorablement à leurs doléances? Une question sans réponse pour les initiateurs de ce mouvement de «lutte contre l'occidentalisation de l'école algérienne». Enfin, les partis islamistes affirment que l'intensification de l'enseignement des sciences islamiques et de la langue arabe permettront de hisser le niveau de l'école algérienne et de résoudre l'équation de la qualité de la formation. Une vision qui reflète l'image d'un mouvement associatif dépassé par le temps, qui nage à contre-courant de l'évolution et lutte pour imposer ses idées rétrogrades en compromettant l'avenir de générations d'Algériens. Que voulons-nous faire de cette école algérienne? Comment peut-on arriver à la formation des citoyens de demain? Les questions demeurent d'actualité et la réponse tarde à voir le jour. L'école s'enlise dans le chaos, le petit écolier n'arrive toujours pas à accéder à une formation de qualité.