Dilma Roussef et l'ex-président Lula, accusés de tous les maux du Brésil, se trouvent dans la tourmente Entre 58 et 61 sénateurs sont prêts à sanctionner Mme Rousseff, soit bien plus que les deux tiers des votes requis (54). Ancienne guerillera marxiste torturée sous la dictature (1964-85), la chef de l'Etat, 68 ans, plaide son «innocence». Aux commandes du Brésil depuis 13 ans, le Parti des travailleurs (PT) de l'ex-président Lula et Dilma Rousseff est empêtré dans des scandales de corruption qui l'ont fortement affaibli, mais pas au point de le faire disparaître, assurent les experts. Fin août, ce parti de gauche qui prônait «l'éthique», se voulait «différent» à ses débuts mais qui est devenu pour beaucoup une formation «comme les autres», va, sauf miracle, voir sa trajectoire interrompue brusquement. La cause? La destitution annoncée de la présidente du Brésil par le Sénat pour un motif controversé: le maquillage des comptes publiques dont la plupart de ses prédécesseurs ont pourtant usé. Dilma Rousseff martèle depuis des mois qu'elle est victime d'un «coup d'Etat» parlementaire ourdi par son ex-vice-président de centre droit, le président en exercice Michel Temer, 75 ans. Tout aussi impopulaire qu'elle, il la remplacera jusqu'à la fin 2018 en cas de destitution. «L'avenir du PT va dépendre de ce qu'il fera après les élections municipales d'octobre et la destitution de la présidente», déclare Tarso Genro, ex-ministre de Lula et figure politique de l'Etat du Rio Grande do sul (sud). Comme beaucoup, il estime que ces élections serviront de thermomètre. M.Genro est un des rares membres du PT à prôner une «refondation du parti». Il déplore que sa formation soit «en train d'être dévastée par le pragmatisme et par les alliances». Il dénonce le «risque» pour le PT de «devenir un parti traditionnel», dans un contexte de «démocratie appauvrie», qui n'a même pas pu «s'opposer au coup d'Etat institutionnel», en référence à la procédure de destitution. Pour Adriano Codato, professeur de Sciences politiques à l'Université du Parana, ces élections municipales d'octobre «vont marquer un tournant»: il prévoit la résurgence d'une morale conservatrice en réaction au désenchantement envers le PT. Car depuis des mois, ce parti apparaît «comme le plus grand mal de la politique brésilienne dans la presse». «Ceux qui vont compter sont ceux qui ont une capacité d'organisation au sein de la société, tous les petits partis évangéliques de droite qui vont connaître une forte croissance, alors que les syndicats sont affaiblis», prédit-il. Le PT «a perdu le soutien de la presse, de l'opinion publique, de la classe moyenne lettrée», son image «est souillée même si d'autres partis sont plus corrompus», explique M. Codato. Grands bénéficiaires des programmes sociaux du PT, les classes populaires «semblent encore voter pour le PT, mais nous allons voir lors de cette Election». D'autant que la formation de la présidente pourra compter sur «le meilleur maillage des partis avec des représentants dans 98% des villes». «Cette grande force d'organisation ne finit pas du jour au lendemain», souligne-t-il. Ancien ministre de la Justice de Dilma Rousseff, l'avocat José Eduardo Cardozo regrette «une tentative de diaboliser le PT» actuellement. «Le système politique brésilien a les mêmes structures qu'à l'époque de la dictature et c'est un système qui crée la corruption. C'est une réalité qui touche tous les partis», assure-t-il. Professeur à l'Université de l'Etat de Rio, Mauricio Santoro affirme que «les scandales et la récession économique entraînent une situation négative pour le PT». «Les leaders impliqués dans la corruption sont les plus emblématiques du parti: José Dirceu (ex-ministre et ancien chef de cabinet de Lula); José Genoino (président du parti fondé par Lula en 1980) et maintenant Lula lui-même», rappelle M.Santoro. «Le PT dit que l'impeachment (de Mme Rousseff) est un coup d'Etat, mais dans 1000 (de plus de 5000 municipalités), il va s'allier à des partis qui soutiennent l'impeachment. Cela va lui coûter cher», souligne-t-il. Fort de son projet politique qui a permis à 40 millions de Brésiliens de sortir de la misère, le PT pourra se reconstruire malgré les scandales grâce à sa «bonne ossature», mais «il va devoir se renouveler», concluent les analystes.