Certains maires, apparentés au parti Les Républicains, ne veulent pas abdiquer et clament que la mesure demeurera en l'état Le discours martial de Sarkozy sur l'autorité, l'identité, la sécurité n'a guère convaincu plus de 60% des Français, y compris dans l'électorat de droite. Au lendemain de la décision en matière de droit civil du Conseil d'Etat, la plus haute juridiction française, sur l'affaire du burkini, le paysage politique reste aussi chaud que le climat dans l'Hexagone. Les maires, apparentés au parti Les Républicains, qui ont procédé aux arrêtés décrétant le burkini hors-la-loi ne veulent pas abdiquer et clament que la mesure demeurera en l'état. Ainsi, non seulement ils persistent et signent, mais ils veulent forcer la décision en brandissant l'hypothétique proposition d'une loi qui conférerait la légitimité à des mesurettes devenues caduques. Alain Juppé, enfin sorti de son long silence, a argué qu'il serait «temps d'arrêter de jeter de l'huile sur le feu». Le maire de Bordeaux et candidat à la primaire des Républicains refuse, dans un entretien au Figaro, de se laisser embarquer dans une surenchère risquée et plaide pour le retour à une réflexion apaisée sur l'ensemble des questions autour de l'Islam en France. Même s'il a soutenu l'action des maires en croisade contre le burkini, Juppé tranche sans aucune hésitation vis-à-vis de son rival Nicolas Sarkozy en invitant les électeurs et électrices à «résister à la tentation d'exiger des lois de circonstance au fil des polémiques médiatiques». Une pierre jetée à dessein dans le jardin du bouillant ancien président de la République qui a, lors de son tout dernier meeting, entonné un spectaculaire programme de reconquête de l'identité française marinée à la sauce Front national. Peine perdue, les sondages qui ont suivi ont encore crédité Alain Juppé d'une sacrée longueur d'avance et surtout établi que les rodomontades du genre «plus FN que moi, tu meurs» n'ont pas fait remonter d'un iota le «Nicolas, reviens» dans le baromètre de la popularité. Qualifiant la proposition de Sarkozy sur la suppression du regroupement familial de mesure «pas humaine», entre autres divergences, Alain Juppé reste le favori des sondages et l'écart ne semble pas prêt à se réduire. Nul doute que son approche du débat sur le burkini conforte encore davantage cette avance. «La question du port de signes religieux ostentatoires est importante, notamment en ce qu'elle peut constituer pour la femme une forme d'enfermement. Il faudra l'aborder clairement, comme je le propose, dans un accord global entre l'Etat et les représentants du culte musulman», avait-il indiqué dans le quotidien, avant d'appeler à «calmer le jeu d'un côté comme de l'autre». L'ex-Premier ministre s'était déjà déclaré contre l'interdiction du voile à l'université prônée par Nicolas Sarkozy, alors président de LR et pas encore candidat à la primaire des 20 et 27 novembre 2016. Que reste-t-il alors à faire pour un candidat à peine officialisé? Le discours martial sur l'autorité, l'identité, la sécurité n'a guère convaincu plus de 60% des Français, y compris dans l'électorat de droite. Le hasard n'a bien sûr rien à voir avec l'émergence de ces thèmes dans les médias et les débats en France, les partis politiques s'évertuant depuis des mois, voire des années, à les imposer pour éviter les sujets autrement plus fâcheux tels que la courbe du chômage, le mécontentement des agriculteurs et des producteurs de lait ou le ras-le-bol des syndicats face à un gouvernement Valls qui ne cache plus sa vocation libérale. C'est dans cette ambiance malsaine, caractéristique de la régression d'une classe politique sans génie face aux véritables problèmes de la société, que la communauté musulmane tente de survivre, en se faisant, pour la grande majorité d'entre elle, «encore plus discrète» que ne l'exigent Valls et Chevènement. Comme si le fait de vivre dans la stigmatisation et l'appréhension permanentes ne suffisait pas! Quand on se prépare à présider la Fondation de l'islam en France, c'est pour le moins maladroit de réclamer à toute une communauté de 5 millions de musulmans davantage de «discrétion», et ce n'est pas faute de connaître les conditions réelles de sa mal-vie et de sa stigmatisation permanente par les hérauts du discours raciste et xénophobe. Le discours inverse qui prône «l'apaisement et le dialogue» pour conforter le vivre-ensemble est certes ressassé par le Conseil français du culte musulman (cfcm), incarné par la Mosquée de Paris qui en a toujours porté l'étendard, mais il se trouve qu'hormis quelques ONG bien connues et la majorité silencieuse des Français de toute confession, les courants politiques, quant à eux, ont beaucoup de mal à se départir de réflexes archaïques et d'ataviques inhibitions. Sarkozy qui jouait, au tout début de son mandat présidentiel, au chantre de l'intégration n'en est-il pas l'exemple le plus désespérant!