Alors que le gouvernement se déchire sur la question de l'interdiction du burkini, la droite et l'extrême droite, en campagne pour 2017, veulent faire adopter une loi qui proscrit le port du voile dans les lieux publics. La polémique déchire la France, au plus haut niveau de l'Etat. Jeudi dans la matinée, le Premier ministre, Manuel Valls et sa ministres de l'Education, Nadjat Vallaut-Belkacem, ont tenu sur la question un discours contradictoire dans les médias. Le premier a confirmé son soutien aux élus municipaux ayant pris des arrêtés d'interdiction du burkini et la seconde s'est montrée opposée à leur multiplication. De son côté, Marisol Touraine, ministre de la Santé, a qualifié ces décisions de "menace à la cohésion" de la France. Plus nuancé, le locataire de la place Beauvau, Bernard Caseneuve, qui avait reçu la veille en urgence, Anouar Kbibech, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), a affirmé que les arrêtés "doivent être utilisés de manière mesurée" et qu'ils ne doivent pas "conduire à la stigmatisation de la communauté musulmane" et à "dresser les Français les uns contre les autres". Pour cause, un glissement assez inquiétant dans l'affaire du burkini, qui agite la France depuis plus d'un mois, fait craindre le pire. L'engouement des municipalités, une trentaine actuellement pour les arrêtés d'interdiction, le zèle des policiers et la libération de la parole raciste, laissent penser que la situation pourrait dégénérer. Critiquées pour leur intervention contre une femme voilée — obligée d'ôter son foulard — sur une plage de Cannes mercredi dernier, les forces de l'ordre ont tenté de se justifier en prétextant l'ambiguïté du contenu des décisions municipales de prohibition du port du burkini en bord de mer. Ces arrêtés assez sommaires évoquent en effet des tenues contraires aux bonnes mœurs et la laïcité. Dans la communauté musulmane, beaucoup craignent que des motifs de cette nature soient utilisés pour traquer les musulmans qui affichent par leur accoutrement leur appartenance religieuse. "Aujourd'hui, c'est le burkini que des municipalités interdisent par arrêtés, mais qu'est-ce que ce sera demain". L'échéance de la présidentielle, prévue dans moins d'une année, ne fait aucun doute sur l'intention des différents candidats à surenchérir sur la question de l'islam. Manuel Valls a déjà prévenu que la campagne sera gagnée par le populisme. Sauf qu'il n'hésite pas lui-même à reprendre, à son compte, les sujets de prédilection de la droite et de l'extrême droite. Sur le sujet du burkini, il partage presque l'opinion de l'ancien président de la république, Nicholas Sarkosy, qui vient de se lancer dans la campagne des primaires des républicains. Celui-ci est monté d'un cran en appelant à l'adoption d'"une loi qui interdit tous les signes religieux à l'école mais également à l'université, dans l'administration et aussi dans les entreprises". Le Front National envisage quant à lui, en cas de victoire en 2017, d'interdire le voile dans tous les lieux publics, en élargissant la loi de 2004 qui proscrit les signes religieux uniquement dans les écoles. Ce genre de tentations fait réagir les défenseurs des droits de l'homme. Pour Amnesty International, il est temps d'agir en annulant les décisions d'interdiction du burkini. "Les autorités françaises doivent cesser de prétexter que ces mesures sont destinées à protéger les droits de femmes. En réalité, ce type de mesures discriminatoires et invasives restreint les choix des femmes, viole leurs droits et conduit à des violences", affirme cette organisation. Hors de ses murs, la France est montrée du doigt. Elle est à la fois stigmatisée et moquée par la presse étrangère qui l'accuse de traquer les femmes voilées et de céder à un racisme facile. S. L-K.