Un discours aux accents de campagne électorale Dans un contexte de surenchères où les thèmes de l'identité et de l'immigration sont devenus les mythes fondateurs de certains candidats en 2017, le président Hollande s'est affiché en défenseur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est-à-dire de l'Etat de droit. Dans une allocution lors d'un colloque sur le thème de «la démocratie face au terrorisme», jeudi dernier, le président François Hollande a surpris beaucoup de monde en affirmant que laïcité et pratique de l'islam sont compatibles en France, dans le respect de la loi en vigueur. Sans évoquer explicitement les faux et tumultueux débats sur le burkini, le chef de l'Etat français a rejeté «toute législation de circonstance», dé-savouant implicitement son Premier ministre Manuel Valls qui s'était prononcé en faveur des maires ayant pris des arrêtés pour une interdiction de ce port soi-disant religieux. «Rien dans l'idée de laïcité ne s'oppose à la pratique de l'islam en France, pourvu qu'elle se conforme à la loi», a insisté François Hollande qui a battu en brèche la campagne de la droite en prévision de la primaire des Républicains et mis en garde contre les amalgames et les dérives qu'ils entraînent. «Il n'y aura pas de législation de circonstance, aussi inapplicable qu'inconstitutionnelle», a-t-il ainsi lancé, en référence aux propos enflammés de Nicolas Sarkozy qui a multiplié les surenchères depuis plusieurs mois en s'égayant sur les terres de l'extrême droite afin de reconquérir une partie de l'électorat. La décision de plusieurs maires de droite d'interdire, cet été, sur les plages françaises un maillot de bain intégral dit islamique a engendré une polémique aussi bien dans la société que dans la classe politique. Et dans ce contexte de surenchères où les thèmes de l'identité et de l'immigration sont devenus les mythes fondateurs de certains candidats à la présidentielle de 2017, le président Hollande s'est affiché en défenseur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est-à-dire de l'Etat de droit, face au terrorisme au point de se laisser aller à un discours aux accents de candidat en campagne. Une sortie surprenante pour quelqu'un qui n'a eu de cesse de répéter qu'il ne se prononcera sur son éventuelle candidature qu'en décembre prochain alors que les sondages s'avèrent de plus en plus pessimistes. Il n'existe pas d'alternative et la seule voie «qui vaille, la seule qui soit efficace, c'est celle de l'Etat de droit», a-t-il ressassé, en réservant ses piques les plus violentes à Nicolas Sarkozy, jamais nommé, mais omniprésent dans le discours, tandis qu'Emmanuel Macron a eu droit à une leçon de bonne conduite, la prétention à l'Elysée ne se limitant pas à la seule ambition, fut-elle bien nourrie, mais à «un combat de tout une vie». Balayant les velléités de tous ceux qui «battent les estrades en recourant à toutes les surenchères pour mieux se distinguer à l'intérieur de leur camp», Hollande a centré son intervention sur cette question devenue un leitmotiv du discours politique en France. «L'islam peut-il s'accommoder de la laïcité comme l'ont fait avant lui le catholicisme, les religions réformées, le judaïsme?», s'est interrogé le chef de l'Etat. «Ma réponse est oui, clairement oui.» «La question se pose aussi à la République: est-elle réellement prête à accueillir en son sein une religion qu'elle n'avait pas prévue avec cette ampleur il y a plus d'un siècle?», s'est ensuite demandé le chef de l'Etat avant d'ajouter: «Là aussi je réponds oui, clairement oui.» Et dans cet élan, il a dit que les attentats de 2015 et 2016 sont en partie la source des tensions actuelles sur l'Islam et la place des musulmans, mais que ce sont bien les musulmans qui ont été les premières victimes du terrorisme islamiste. «Avant de nous atteindre, ils s'en sont pris à leur propre religion. Partout, les musulmans ont été les victimes de ces islamistes. Il en va de même en France où parmi les morts que l'on dénombre, les blessés que l'on relève, on voit que les musulmans payent également leur tribut à la terreur», a-t-il rappelé. En recadrant le débat sur la question, et en donnant l'air de rien, le signal de la mobilisation des socialistes autour de sa bannière pour la prochaine campagne présidentielle, François Hollande défie avec un courage, beaucoup diraient une témérité, les sondages qui se suivent et se ressemblent tous en prédisant un second tour pour l'Elysée entre la droite et l'extrême droite. Pire, sur les neuf hypothèses testées par l'enquête TNS Sofres-One Point, Marine Le Pen arriverait en tête du premier tour sauf si Aain Juppé serait le candidat de la droite et son avance serait de deux points si elle affronte l'ancien président Sarkozy. Cependant, les probabilités sont une chose et la réalité du scrutin en est une autre. Et François Hollande a encore quelques mois pour disposer en ordre de bataille un Parti socialiste fortement ébranlé par les querelles de chapelle autour des textes sur la déchéance de la nationalité ou la loi El Khomri. Des stigmates qui ont marqué en profondeur une vaste frange de l'électorat de gauche et qui vont peser lourd dans la balance des choix ultimes.