Une rencontre capitale Il appartient aux principaux acteurs de surmonter leurs divergences et d'arriver à un compromis à même de préserver les intérêts de leurs peuples. Un homme, une mission et des moyens. Nourredine Bouterfa, nommé ministre de l'Energie il y a trois mois jour pour jour, fait son baptême du feu et tente un extraordinaire challenge. Il se démène pour arriver à un consensus sur le marché du pétrole, à deux semaines de la réunion informelle de l'Opep à Alger. Connaissant les divergences abyssales qui caractérisent ce conglomérat, autant dire que M.Bouterfa tente l'escalade de l'Everest sans crampons. Seulement, pour les amateurs de défis, le plaisir n'est pas d'arriver au sommet, mais de savourer les chemins qui montent et le ministre de l'Energie semble décidé à faire aboutir ce dossier crucial. Le prix du baril est devenu un enjeu géostratégique majeur. Un facteur de crises internes dans les pays producteurs de pétrole, le Venezuela est à ce titre un exemple éloquent. L'un des premiers producteurs de pétrole au monde est asphyxié. Pour économiser l'électricité, les fonctionnaires ne travailleront plus que deux journées par semaine, et les députés ne seront plus payés. Les supermarchés sont vides, les produits de première nécessité ont totalement disparu des étals, l'hyper-inflation galope. En un mot, la patrie du défunt Chavez sombre dans la misère. Ce n'est pas l'unique exemple: des pays réputés comme étant aisés et sur des matelas financiers inépuisables, comme le Qatar et l'Arabie saoudite, ont été contraints par le fait de cette crise pétrolière de réduire drastiquement leurs dépenses. C'est le cas de la plupart des pays du Golfe dont l'Arabie saoudite. En Afrique, la situation est plus difficile, comme au Nigeria, en Angola, au Gabon. Le gouvernement Sellal a entrepris une série de mesures, à savoir un plan d'austérité qui touche tous les domaines, sauf les subventions des produits de première nécessité; les importations ont été limitées, un contrôle sévère sur le commerce extérieur et les dépenses publiques limitées au maximum. Cette crise est une aubaine. Et de rappeler que l'Etat providence n'existe plus et qu'il faut se mettre au travail. Ce n'est pas la première fois que l'Opep procède à des réunions d'urgence pour examiner le moyen de relever les prix du baril, mais souvent, ces rencontres butent sur l'intransigeance de l'Arabie saoudite en sa qualité de plus gros producteur. Or, cette fois-ci, la donne a totalement changé. Il s'agit pour l'Arabie saoudite de se départir de sa stratégie du statu quo et de prendre option pour le gel de la production en vue d'espérer un relèvement des prix durant l'année 2017. Le Royaume wahhabite est pris à la gorge et subit de plein fouet la dégringolade des prix du pétrole. En plus d'être en proie à un mécontentement de ses sujets, il doit assumer sa coûteuse guerre au Yémen qui traîne avec son lot de dépenses et onéreuses, son engagement en Syrie et en Irak. Avec un baril à 50 dollars, Riyadh, qui a accusé un déficit budgétaire historique de 98 milliards de dollars en 2015, risque de graves perturbations sociales. Pour toutes ces raisons, il serait suicidaire pour le royaume de refuser l'accord d'Alger et de laisser glisser davantage les prix du pétrole. La Russie est aussi en proie à une crise économique depuis l'embargo que lui a imposé l'Union européenne. Elle ressent donc les difficultés de cette crise pétrolière. Les acteurs majeurs restent l'Arabie saoudite et la Russie. A eux seuls, ils couvrent la majorité des pays en pétrole et leur production dépasse toute celle des autres membres de l'Opep. Mais, si ces deux grands acteurs sont au creux de la vague, est-ce suffisant pour arriver à un accord à Alger? Est-il possible qu'il y ait une entente entre les deux protagonistes, à savoir l'Arabie saoudite et l'Iran qui sont en pleine crise? Les deux pays sont engagés dans la guerre en Syrie et au Yémen. Cela d'une part, de l'autre, les conflits entre Téhéran et Riyadh sont aussi vieux que l'islam. L'Arabie saoudite a rompu ses relations diplomatiques, avec l'Iran et a même interdit aux pèlerins iraniens d'accomplir leur rituel du Hadj. C'est dire que l'antagonisme entre les deux pays risque d'être un sérieux facteur de blocage dans un contexte énergétique extrêmement compliqué. Autant dire que le pari est très difficile et la réussite de la rencontre du 25 septembre prochain n'est pas liée au génie et aux compétences du ministre de l'Energie. Il appartient aux principaux acteurs de surmonter leurs divergences et d'arriver à un compromis à même de préserver les intérêts de leurs peuples. Alger sera-t-elle un rendez-vous déterminant pour revoir toute la stratégie de l'Opep et le renforcement de la solidarité de ses membres? Au-delà des divergences politiques, il y a la stabilité interne des pays et l'avenir des populations. A Alger, toutes les conditions sont réunies pour que cette rencontre soit un succès, il ne reste que le tapis rouge à dérouler.