Daesh aura encore de beaux jours devant lui «Si un évènement arrive par hasard'', soyez sûr qu'il a été programmé pour se dérouler ainsi.» Franklin Delano Roosevelt Depuis quelques jours nous sommes saturés par les médias occidentaux concernant la bataille de Mossoul présentée comme la «Mère des batailles» qui permettrait de mettre un point final à Daesh. En fait, une analyse fine nous apprend qu'il n'en est rien. On ne sait toujours pas à quoi tout cela rime si nous n'avons pas une vue d'ensemble du problème du Moyen-Orient. On a cru un moment qu'après l'accord américano-russe du début septembre ce serait la paix. Il n'en fut rien, la trêve ne fut pas respectée et comble de l'horreur une «bavure» de la coalition a fait plus de 60 morts dans l'armée syrienne, mais pas seulement, beaucoup de ponts et d'infrastructures ont été détruits,ce qui nous a paru à l'époque incompréhensible car la lutte contre Daesh n'est pas la lutte pour démolir des infrastructures. Ce n'est qu'avec la comédie de l'attaque de Mossoul que le scénario devient plus lisible. Pepe Escobar est l'un de ceux qui attirent l'attention sur un scénario diabolique: «Le plan est de refouler ISIS d'Irak, afin de s'assurer qu'il survit dans l'est de la Syrie.» Il ne fait aucun doute que Baghdad a besoin de reprendre Mossoul à ISIS / ISIL / Daesh. Il ne pouvait pas le faire avant. En théorie, c'est le moment. La vraie question ce sont les motivations contradictoires du grand who's who de qui-fait-quoi. Au choix - et dans le désordre - la 9e division de l'armée irakienne, les peshmergas kurdes sous la houlette de l'opportuniste, corrompu et rusé Barzani, les seigneurs tribaux sunnites, les dizaines de milliers de milices chiites du sud de l'Irak, le support opérationnel des Forces spéciales américaines, les bombardements ciblés par l'US Air Force ou, planquées en coulisse, les forces spéciales turques et leur puissance aérienne. (1) «(...) Et cela nous amène au coeur de la question expliquant le sabotage, par le Pentagone, de la trêve russo-américaine, les crises de rage de Samantha Power la cinglée, aveuglée par le pouvoir, et le baratin non-stop selon lequel la Russie est en train de commettre des crimes de guerre. Pour les Américains [ndr] le cessez-le-feu était un moyen de gagner du temps et de réarmer ce que Washington décrit comme des rebelles modérés. Pourtant, même cela était trop pour le Pentagone, qui fait face à une alliance Syrie / Iran / Russie déterminée à lutter contre toutes les déclinaisons de salafistes-djihadistes déments - quelle que soit leur terminologie - et se sont engagés à maintenir une Syrie unitaire.» (1) Pepe Escobar pense que «reconquérir la totalité de la ville d'Alep doit être la priorité absolue de Damas, Téhéran et Moscou. (...) Ainsi, la méthode pour reconquérir l'est d'Alep est vraiment extrêmement dure. Il y a une crise humanitaire. Il y a des dommages collatéraux. Et cela ne fait que commencer. Parce que tôt ou tard, la SAA, soutenue par le Hezbollah et les milices chiites irakiennes, devra reconquérir l'est d'Alep avec des bottes sur le terrain - soutenue par des avions de combat russes.(...) Le changement de régime à Damas - d'où «Assad doit partir» - par la voie militaire est maintenant impossible.» Le plan du Pentagone est trompeusement simple. Effacer tous les signes de présence de Damas et de son armée, la SAA, à l'est de Palmyre. Et c'est là que la bataille de Mossoul converge avec la récente attaque aérienne du Pentagone sur Deir Ezzor [tuant plus de 80 soldats syriens, NdT]. Même si nous avons une offensive dans les prochains mois contre Raqqa, menée par les Kurdes du YPG ou même par les forces turques, nous aurons encore une principauté salafiste depuis l'est de la Syrie jusqu'à l'Irak occidental, tout cela regroupé, exactement comme la Defense Intelligence Agency (DIA) l'avait planifié - rêvé? - en 2012.» (1) «L'historien syrien basé à Londres Nizar Nayyouf, ainsi que des sources diplomatiques anonymes, ont confirmé que Washington et Riyadh ont conclu un accord pour laisser des milliers de djihadistes du faux Califat s'échapper de Mossoul vers l'ouest, aussi longtemps qu'ils se dirigent directement vers la Syrie. Un regard sur la carte de bataille nous montre que Mossoul est complètement encerclée... sauf à l'ouest. (...) Les Russes ne sont pas dupes, on peut parier qu'ils ont la parade: «Il n'est également pas étonnant que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ait clairement vu le Grand Schéma: «Pour autant que je sache, la ville n'est pas complètement encerclée. J'espère que c'est tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas le faire, et non parce qu'ils ne le veulent pas. Mais ce corridor pose le risque de voir les combattants de l'Etat islamique fuir Mossoul et aller en Syrie.» Il est clair que Moscou ne restera pas les bras croisés si tel est le cas: «J'espère que la coalition menée par les USA, qui est activement engagée dans l'opération pour prendre Mossoul, va le prendre en compte.» Après tout, pour la Coalition dirigée par les US - de derrière? -, la priorité numéro un est d'assurer la survie du Califat bidon, quelque part dans l'est de la Syrie.» (1) La tromperie partagée par Washington et Ankara Il est curieux d'observer que les spécialistes lisent clairement dans le jeu des puissances occidentales, à savoir chasser Daesh de Mossoul et l'aider à créer un Etat entre l'Irak et la Syrie avec comme capitale Raqqa. Comme le rapporte Mouna Alno-Nakhal: «Le 3 octobre, lors d'une émission de décodage de l'hystérie occidentale devant l'avancée de l'Armée syrienne, le général Amine Hoteit avait déclaré: «Si les Etats-Unis avaient le moindre espoir qu'Alep ne soit pas libérée des terroristes au minimum d'ici deux mois, ils auraient agi autrement. Mais force est de constater que la Syrie et ses alliés, notamment la Russie, en ont décidé autrement. D'où leur «plan C», initié à Deir ez-Zor, pour prendre la ville en otage et atteindre trois objectifs: délimiter à l'est une région ouverte sur l'Irak pour l'isoler de la Syrie. C'est pourquoi ils empêchent la progression de l'Armée syrienne en détruisant les ponts, exactement comme Israël avait procédé au Liban lorsqu'il avait envahi le Sud, démolissant quatre ponts principaux afin de l'isoler du reste du pays (...)Réussir à «libérer Mossoul» selon le plan des USA et non selon celui des Irakiens. Autrement dit, à la manière turque lors de la prétendue libération de Jarablus, en Syrie, par une opération de passe-passe de la main droite qui guide Daesh à la main gauche qui guide Al-Nosra. La question devient alors: mais où les USA dirigeront-ils les terroristes présents dans Mossoul? Réponse: à Deir ez-Zor. Atténuer la victoire de la Syrie et de ses alliés à Alep, victoire certaine d'ici quelques semaines; laquelle, à notre avis, torpillera définitivement le plan de partition US de la Syrie, les frappes sur Deir ez-Zor se réduisant à une opération de punition et de vengeance...» (2) «Sayed Nasrallah, poursuit Mouna Alno-Nakhal avait été encore plus explicite que le général Hoteit: «S'agissant de l'Irak, il passe de victoire en victoire grâce aux sacrifices de ses fils, de son armée, de ses forces de mobilisation populaire et de ses tribus sunnites, chiites et kurdes, face aux takfiristes de Daesh. Aujourd'hui, les forces irakiennes progressent vers Mossoul... Je m'adresse aux dirigeants irakiens, aux combattants de l'Armée irakienne et du Hachd al-Chaâbi, afin qu'ils soient vigilants face aux plans américains. Les Etats-Unis veulent ouvrir la route aux takfiristes de Daesh pour qu'ils fuient vers l'est de la Syrie. Ils veulent «entasser» Daesh à l'est de la Syrie. Et ces derniers vont en profiter pour mener de nouveau des attentats contre le territoire irakien...» (2) Là encore ce n'est pas limpide, on pensait naïvement qu'Erdogan s'est émancipé de l'Empire en basculant vers une entente avec la Russie, il n'en n'est rien. Pepe Escobar avance que «Ankara et Washington discutent activement d'une offensive contre Raqqa, alors qu'Erdogan n'a pas abandonné son rêve d'une zone de sécurité de 5000 km2 dans le nord de la Syrie. En un mot, pour Erdogan, Mossoul est une distraction. Ses priorités demeurent une Syrie fracturée et fragmentée, zone de sécurité incluse, et l'écrasement des Kurdes du YPG (...)» (1) «Que veut Erdogan écrit pour sa part, Mouna Alno Nekhal, mis à part le fait que, de concert avec l'administration américaine et son allié, Adel al-Joubeir, ministre saoudien des Affaires étrangères, il ne fait que hurler pour écarter le Hachd al-Chaabi de la bataille de Mossoul? (...) Il n'empêche que d'après l'exposé du 19 octobre de l'ex-général libanais Mohamad Abbas sur Al-Mayadeen TV, les forces prêtes à l'offensive encerclaient incomplètement Mossoul: (...) l'ouest de Mossoul restant largement ouvert aux terroristes en direction de la Syrie, comme prévu par tous les observateurs, alors que dans sa dernière émission de «60 minutes» du 21 octobre, M.Nasser Kandil a dévoilé que le plan du Hachd al-Chaabi était d'entrer par le côté ouest du Tigre pour bloquer les terroristes dans Mossoul et leur interdire de s'enfuir vers les campagnes quasi inhabitées, où il leur serait facile de se disperser en attendant des jours meilleurs pour continuer leur mission de guerre d'usure en Syrie. Mais le gouvernement irakien est contraint de composer avec l'Armée américaine...Interrogé à ce propos par la Télévision nationale syrienne, l'ex-général syrien Turki al-Hassan a témoigné qu'environ 800 terroristes étaient déjà arrivés à Raqqa en provenance de Mossoul.» (2) «Pour le général Al-Hassan poursuit l'auteure, Erdogan a comme ambition de récupérer Mossoul s'appuyant sur une clause du traité de Lausanne de 1923 qui stipule qu'il pourrait être revu 100 ans plus tard (...) Mossoul pourrait revenir à la Turquie. Il pourrait ainsi revendiquer l'enclave sunnite, qu'il appelle de ses voeux avant de la rattacher à la Turquie, sous une forme ou une autre, union ou fédération. (...) En résumé: «Il ne faudrait pas croire que la victoire de l'Armée irakienne, soutenue par la Coalition internationale menée par Washington, signifie l'élimination de Daesh en Irak. Certes, Al-Ramadi et Tikrit ont été libérées, mais la première est sur les rives de l'Euphrate et la deuxième, ainsi que Mossoul, sont sur les rives du Tigre.(...) À la lumière de ce qui se passe à Alep, il nous faut donc croire que les cartes de partition des uns et d'expansion des autres sont sans doute fin prêtes, mais que l'hystérie collective des Occidentaux, suscitée par la détermination de la Syrie et de ses alliés à nettoyer Alep-est des terroristes, signifie qu'ils ont bien compris que ni la Syrie, ni la Russie, ne sont prêtes à céder au chantage des uns et des autres et, surtout, que l'Etat syrien a refusé catégoriquement tout accord du style afghan ou irakien.» (2) Que se passera-t-il après? Robert Fisk abonde dans le même sens en écrivant: «Toute l'armée du califat de Daesh pourrait être dirigée contre le gouvernement Assad et ses alliés - un scénario qui pourrait provoquer une certaine satisfaction à Washington (...) L'objectif réel derrière la «libération» de la ville irakienne planifiée par les Etats-Unis serait, selon l'armée syrienne, d'inonder la Syrie avec les hordes de combattants de Daesh fuyant leur capitale irakienne pour leur «mini-capitale» de Raqqa à l'intérieur même de la Syrie (...) En d'autres termes, si Mossoul tombe, toute l'armée du califat de Daesh pourrait être dirigée contre le gouvernement Assad et ses alliés - un scénario qui pourrait provoquer une certaine satisfaction à Washington. Lorsque la ville irakienne de Fallujah est tombée entre les mains de l'armée et des milices irakiennes plus tôt cette année, de nombreux combattants de Daesh ont immédiatement fui vers la Syrie (3). Beau simulmacre de bataille pour Mossoul, belle mise en scène, belles explosions après la chute de Mossoul lorsque Daesh fuira vers la Syrie, ils vont se faire carboniser par l'aviation russe et syrienne plus les batteries d'artillerie thermobarique, autre missile kalibr etc...sans compter les troupes au sol syrienne, iranienne, Hezbollah et aussi des éléments des forces spéciales russes les plus aguerries qui les attendent de pied ferme. (3) Alors que la presse internationale écrit Christophe Trontin, se lamente de la «reprise des bombardements russes» sur Alep avec l'accord des autorités syriennes, elle se réjouit des «frappes» que prépare la coalition internationale sur Mossoul, avec l'accord des autorités irakiennes. Deux poids, deux mesures. Comme d'habitude, la propagande atlantiste utilise deux vocabulaires distincts: «Frappes» généralement «ciblées» ou «chirurgicales» lorsqu'il s'agit des uns, «bombardements» pour les autres. (...) D'ailleurs, si les Russes sont maîtres du terrain en Syrie, ils doivent désormais compter avec un énième coup fourré de la part de leurs amis d'outre-détroit de Béring: la bataille de Mossoul, dont la «Coalition internationale» affirme, là aussi, qu'il s'agit d'écraser le dernier bastion en Irak du terrorisme salafiste / des djihadistes de Daesh, des méchants en leur ménageant une porte de sortie vers la Syrie» (4). Mossoul-Alep: la diagonale du fou... René Labevière fait une analyse qui rejoint aussi celle des autres experts en expliquant que la coalition fera tout pour que l'armée syrienne s'embourbe à Alep pendant qu'ils confortent Daesh dans les nouveaux territoires après leur sortie de Mossoul: «Washington, Riyadh, Tel-Aviv et les capitales européennes ne l'entendent pas de cette oreille, misant toujours sur une fragmentation territoriale et politique de la Syrie, partition pudiquement baptisée «solution fédérale», l'objectif étant de faire dans ce pays, ce qui a été accompli dans les Balkans, en Irak et en Libye, à savoir la destruction de toutes infrastructures régaliennes et autres structures politiques et services publics. (...) Désormais, une course de vitesse est bien engagée entre Américains et Russes pour, après Mossoul, prendre le contrôle de Raqqa. En réponse à la reconquête d'Alep, les Américains veulent appuyer les Kurdes dans leur offensive sur Mossoul. Celle-ci ne manquera pas de provoquer un repli des groupes terroristes de Daesh sur Raqqa afin de fixer, sinon d'épuiser la coalition russo-syrienne.» Dans ce contexte, les Russes déploient deux stratégies concomitantes: pousser l'armée arabe syrienne à reprendre contact avec les groupes locaux en proposant notamment, de sécuriser des passages d'exfiltration pour ceux qui acceptent de quitter l'Est d'Alep et de déposer les armes; poursuivre les bombardements des états-majors enterrés, (...) Sur cette diagonale du fou Mossoul/Alep, il n'échappe à personne que la propagande médiatique bat son plein plus que jamais». (5) On l'aura compris, Daesh aura encore de beaux jours devant lui, il ne vacille pas, on lui offre une porte de sortie avec des milliers de Toyota en prime achetés avec l'argent des Arabes pour combattre d'autres Arabes..;ce n'est pas pour demain que les peuples syrien et irakien retrouveront la sérénité. Ce qui se passe au Moyen-Orient est le prélude à une attaque directe entre les Russes et les Américains. Les épaves humaines qui errent sur les routes et à qui on refuse l'asile en Europe sont aussi des victimes d'un conflit qui les dépasse. Sartre avait bien raison d'écrire que «quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent»! 1. Pepe Escobar http://lesakerfrancophone.fr /denouer- lecheveau-alep-mossoul 21 10 2016 2.http://www.legrandsoir.info/la-bataille-de-mossoul-ou-la-tromperie-partagee-par-washington-et-ankara.html 3.http://www.independent.co.uk/voices/mosul-offensive-isis-flee-iraq-syr... 4.http://www.legrandsoir.info/les-doubles-standards-entre-alep-et-mossoul.html 5. Richard Labévière http://prochetmoyen-orient.ch/mossoul-alep-la-diagonale-du-fou/