Une scène du film Bois d'ébène Zaïneb n'aime pas la neige de la Tunisienne Kawther Ben Hania et Bois d'ébène, du Sénégalais Moussa Traoré sont entrés en compétition officielle en lice pour le Tanit d'or, lundi soir. Deux longs métrages entrant en compétition officielle ont été projetés lundi soir, ayant tous deux un point commun, la question de savoir où se situe la frontière entre le réel et la fiction. En effet, si l'un est purement un documentaire classique avec une trame narrative conçue à la manière d'une fiction, le second est basé sur une documentation historique ardue reconstituant des faits véridiques, il ne raconte pas moins le destin imaginaire de deux individus fantasmés autour desquels va se cristalliser toute la vie d'esclaves durant la première moitié du xixe siècle. Kawther Ben Hania qui s'est déjà fait remarquer auparavant par son documentaire Le challat de Tunis était très attendue pour présenter à la salle Colisée, Zaïneb n'aime pas la neige, qui a reçu le Prix du meilleur long métrage documentaire au 38e Festival Cinemed de Montpellier. Sa projection en avant-première tunisienne en compétition officielle aux Journées cinématographiques de Carthage a eu lieu dans une salle archicomble. Le sinopsis? 2009, Zaïneb a neuf ans et vit avec sa mère et son petit frère à Tunis. Son père est décédé dans un accident de voiture. Sa mère s'apprête à refaire sa vie avec un homme qui vit au Canada. On a dit à Zaïneb que là-bas elle pourra enfin voir la neige! Mais elle ne veut rien savoir, le Canada ne lui inspire pas confiance et en plus, Zaïneb n'aime pas la neige. La mère de Zaïneb est en fait une cousine proche de la réalisatrice, dès lors, la proximité dans la réalisation de cet opus filmique demandait plus d'attention et une certaine légèreté du matériel pour pouvoir se faufiler et s'insérer dans le décor, sachant que le tournage a duré six ans. Aussi, nous assistons dans ce documentaire de 93 mn à l'évolution de cette famille à Tunis, jusqu'au départ au Canada, son installation, acclimatation, en passant par le mariage où seule la fille de l'époux de Zaïneb n'était pas au courant de l'événement. Dans ce film intimiste, ballotté entre rire et larmes, jeu de mise en scène spontané et de description du quotidien, la réalisatrice va nous révéler le devenir de deux jeunes filles, leur rapport aux parents et leur degré de maturité face à une situation pas toujours facile. Le film qui parvient à nous scotcher par ses regards touchants, ses plans de tendresse et de dialogue extraordinaires arrive à éviter l'écueil du voyeurisme sans oublier pour autant de capter ces rares moments de poésie où un geste, un mot ou une parole en disent long sur cette famille où l'amour ou le conflit d'affection dans la crise identitaire chez ces adolescentes est des plus palpables. Un film tendre et presque naïf qui vous met vraiment du baume au coeur, malgré ses moments de tristesse de la fin... Réalisé par le Sénégalais Moussa Touré (auteur du remarqué La Pirogue), sur un scénario de Jacques Dubuisson, le second film projeté, à 21h, appelé Bois d'ébène évoque symboliquement le tragique destin d'esclaves, lesquels étaient souvent transportés en bateau et dormant à même le sol, ce sol sur lequel ils mourraient souvent et que d'autres devaient nettoyer au vinaigre. Au XVe siècle, un gigantesque trafic d'esclaves se met en place entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique. Le film aborde cette tranche historique entre 1823 jusqu'à 1848 date de l'abolition de l'esclavage. Le film montre comment ces hommes ont été déportés sur bateau, leur sale traitement jusqu'à leur utilisation dans les fermes et la problématique de leur libération. Avec des photos et dessins comme accompagnement, le film décrit leur enfermement et terribles souffrances. Il témoigne également de ce grand marché économique qui s'est installé, explorant un certain système commercial et social basé sur la traite des Noirs servant de main-d'oeuvre inévitable dans la construction de l'Europe notamment. Un film dur, dominé par un certain côté pédagogique propre au documentaire. Un film important qui porte en lui la mémoire des esclaves avec équité et précision. «En tournant dans les villages mêmes où a lieu la traite, je sais que les hommes et femmes que je filme sont, d'une certaine manière, les mêmes qu'à l'époque. Ils portent en eux la trace de cette histoire, qui est notre histoire commune», souligne Moussa Touré.