Ancien détenu politique de la cause identitaire amazighe, il est aujourd'huil'un des écrivains les plus prolifiques dans la langue de Massinissa. Quand il osa défier le pouvoir de l'époque et écrire quelques lettres en tifinagh ou encore distribuer le fameux alphabet tifinagh, il est vite arrêté et incarcéré. Aujourd'hui, il dédicace une dizaine de ses ouvrages, tous en tamazight (dont quatre romans) au Sila d'Alger sous les projecteurs des médias. Autres temps, autres moeurs. Lui, c'est Ahmed Nekkar, ancien détenu politique de la cause identitaire amazighe, aujourd'hui l'un des écrivains les plus prolifiques dans la langue de Massinissa et de Jugurtha. Chaque jour, il vient du lointain village de Tala Atmane dans la wilaya de Tizi Ouzou pour dédicacer ses livres en tamazight au stand des éditions Identité du Sila. Quand il était en prison dans les années soixante-dix parce qu'il voulait que sa langue maternelle ne meurt pas, il était loin de penser que ce jour arrivera où il pourra s'afficher publiquement avec cet amour de jeunesse qu'est son amazighité sans avoir la trouille et sans être pourchassé comme un vulgaire malfrat. Ahmed Nekkar n'est pas prisonnier de ce passé qui reste tout de même présent dans son esprit puisque une partie de son oeuvre romanesque est inspirée de cette étape de sa vie. Mais il a choisi d'avancer et d'être honnête en reconnaissant les avancées gigantesques réalisées par la langue et la culture amazighes, devenue en cette année 2016 langue officielle après avoir été constitutionnalisée en 2002 comme langue nationale. L'une des choses qui semble réjouir le plus Ahmed Nekkar, c'est cette affluence incroyable sur le stand des livres amazighs même de la part des lecteurs arabophones qui veulent à tout prix apprendre tamazight pour se réconcilier avec leur histoire et l'un des pans de leur personnalité. Rencontré au stand des éditions Identité, spécialisées exclusivement dans l'édition de livres dans la langue amazighe, Ahmed Nekkar exhibe fièrement tous ses ouvrages en tamazight dont le tout dernier qu'il a édité à l'occasion du Salon international du livre d'Alger. Il s'agit de «Alice au pays des Merveilles» de Lewis Caroll qu'il a intitulé en tamazight: «Alluca di tmurt n tirga.» En plus de cette nouveauté, Ahmed Nekkar publie depuis 1999, romans, nouvelles, livres pour l'enseignement de tamazight et des traductions français-tamazight. Son premier roman a obtenu en 1999 le prix Mouloud-Mammeri de la meilleure oeuvre littéraire en tamazight. Il s'intitule «Yugar icerig tafawets». Il est aussi l'auteur des deux romans «Tudert, ger tevra d yefdisen» et «Azetta n tisist». Il a traduit le roman «Tajegigt n maghres» de Moussa Bouchakour. Ahmed Nekkar a à son actif de nombreux autres livres édités et d'autres qui attendent leur tour. Il nous apprend par ailleurs, qu'il a postulé au grand prix littéraire Assia Djebar pour l'édition de cette année avec son roman «Azetta n tisist». Ahmed Nekkar, qui a fait de la prison entre 1974 et 1976, parcequ'il se battait pour tamazight, est aujourd'hui particulièrement heureux d'annoncer que les livres en tamazight se vendent très bien, aussi bien au Sila que durant le reste de l'année dans les librairies. Pour preuve, son premier roman, «Yugar icerig tafawets», est tout simplement épuisé. Mais, lui, il n'est pas épuisé malgré les années de prison et les efforts de l'écriture. A soixante et un ans, Ahmed Nekkar continue de vivre le rêve de ses vingt ans: voir tamazight langue nationale et officielle dans son pays, l'Algérie.