«The revolution won't be televised» (La révolution ne sera pas télévisée») de la réalisatrice sénégalo-mauritanienne Rama Thiaw traite d'un sujet politique hautement sensible et d'actualité qui devra intéresser plus d'un Algérien... Alors que se clôturait hier soir en grande pompe le 50e anniversaire des Journées cinématographiques de Carthage, la salle Colisée projetait la veille, ses derniers films en compétition. Parmi ceux-là, le coup de coeur de la journée, par lequel on ne devait pas passer à côté. Il s'agit du documentaire «The revolution won't be televised» (La révolution ne sera pas télévisée») de la réalisatrice sénégalo-mauritanienne Rama Thiaw. Un film qui s'est fait remarquer lors du festival de Berlin en décrochant un prix, mais aussi à la session Takmil il y a 3 ans aux JCC. Pour situer le contexte, ce film a démarré en 2011, juste après la révolution du Jasmin. Il en est imprégné. Sauf que cette fois, il s'agit du pays de la réalisatrice, le Sénégal. Portant le même titre qu'un morceau de musique célèbre sorti en 1970 de Gil Scott Heron (musicien, poète et romancier américain), ce film décliné en deux chapitres, témoigne de l'engagement des membres du groupe de rap Keur-Gui, acteurs majeurs de «la révolution de 2012» au Sénégal. Des artistes qui au-delà de l'aspect artistique de leurs chansons s'autoproclament profondément «activistes» ayant comme père spirituel Thomas Sankara. Des artistes qui ne lâchent rien, héros malgré eux et porte-flambeau du droit à la liberté et au changement. Le film dresse le portrait de Thiat, Kilifeu et Diagana, entrecoupé d'un passage de lecture où la mère de Thiat, face à la caméra en gros plan, raconte son pays et la genèse de la révolution. Le film qui a pris six ans pour se faire, suit donc ces jeunes dans leur aventure militante et les suit pas à pas avant les élections du président sénégalais dont le changement de la Constitution lui a permis de briguer un nouveau mandat, alors qu'il est dit qu'il est vieux et malade...Le film est ponctué d'extraits télévisés de France 24 où lors d'une interview, le président répond au journaliste en étant déjà sûr de sa réélection, affirmant qu'il n'y a et n'existe aucun embrasement dans la ville. Cet embrasement, Rama Thiaw le filme bien. «The revolution won't be televised» commence un lundi matin de 2011 quand trois amis, Thiat, Kilifeu et Gadiaga, prennent la tête d'un mouvement national contre «un président à vie» autoproclamé, dit le synopsis. Ce mouvement est appelé «Yen a marre». Dans la seconde partie du film, nos rappeurs engagés s'en vont au Burkina Faso pour haranguer les foules et les inciter à leur tour à s'enregistrer aux listes électorales et voter massivement pour faire changer le cours de leur propre histoire marqué, par des coups d'Etat et faire partir de ce fait leur «président dictateur». Pour l'anecdote, Rama Thiawt possède une maîtrise en économie internationale à la Sorbonne (France). Après son obtention d'un diplôme de cinéma à l'université Paris 8, elle se forme aux côtés du réalisateur algérien Mohamed Bouamari. Elle a réalisé son premier film, «Boul Falle, la voix de la lutte», en 2009. «Le film montre comment des millions de Sénégalais sont descendus dans la rue pour la démocratie.» soutient-elle. Bref, «The revolution won't be televised» est un film qui parlera sans aucun doute beaucoup aux Algériens. Autre film documentaire projeté aussi en compétition est «Manazel bila abwab» de Avo Kaprealian. Un film documentaire sur la guerre en Syrie et particulièrement ce qui se passe à Alep. Le film raconte le quotidien de ces familles dont beaucoup quittent aujourd'hui leur pays et deviennent des réfugiés. Des témoignages de gens à l'intérieur de leur maison, de femmes, et enfants les premiers touchés par cette guerre car ils sont ceux qui vont perpétuer cette mémoire. «Abwab bila manazel» (clin d'oeil à un passage dans la chanson El Qods de Fairouz) est entrecoupé de nom-breux archives filmiques. Le réalisateur utilise cette matière notamment des images de réfugiés de la Seconde Guerre mondiale en faisant le parallèle avec la dure réalité des Syriens, dont le vécu est fait d'effroi, de sons des bombes qui tombent juste à côté de quartier emportant des membres de leur famille. Un quotidien amer fait de souffrance, de rationalisation de la nourriture, de visions d'apocalypse. Au-delà du silence strident qui s'installe parfois le réalisateur filme cette ville avec ses maisons éventrées et son calme trompeur. Sa caméra qui se veut nerveuse par moment, parvient à capter la rumeur de la ville, tantôt d'un balcon ou des barreaux d'une fenêtre. Une ville minée par un vent de soufre et des coups de feu.. Mais ce qui semble intéresser par-dessus tout le réalisateur est le récit de cette existence, entre cortège de mariage, mais de funérailles aussi et puis la naissance d'un bébé, preuve que la vie a droit de cité et ne doit pas s'arrêter. Un courage dont fait preuve cette population et auquel le réalisateur rend hommage à sa manière. Aussi cette guerre est rapportée via ces fragments d'infos provenant des télés de ces maisons où l'actualité politique syrienne domine le paysage médiatique et fait la une de El Djazaira. «Abwab bila manazel» est un film qui sonde le pouls d'une population condamnée à vivre au milieu des obus et de l'absurdité de cette guerre dont les affres sont illustrées par divers extraits de films qui ont bercé l'imaginaire du réalisateur qui, par sa démarche filmique installe un dispositif des plus intéressants. A saluer vraiment. La poétique de l'image est bien rendue dans ce film où les voix de femmes et enfants concordent vers un seul point, celui de la ligne de mire du futur. Ce n'est pas rien si le film se clôt sur une séquence d'un film western où l'on voit un adulte mettant un pistolet entre les mains d'un enfant pour qu'il tire sur un homme. Une image terrible qui devra hanter quiconque songeant à l'après de cette guerre qui fera de nombreuses victimes plus tard. Des victimes qui auront à porter non seulement des séquelles physiques, mais des traumas psychologiques énormes.... .