Le départ imposé des troupes syriennes a mis à nu les contradictions de la classe politique libanaise. Il y a de fortes chances, indiquent des sources diplomatiques arabes informées, que le sommet arabe d'Alger, (22-23 mars) examine la nouvelle crise politique libanaise, crise qualifiée à tort de crise syro-libanaise. De fait, les forces syriennes ont achevé, ce week-end, la première étape de leur désengagement, lequel devrait prendre fin d'ici à la fin du mois en cours ou, au plus tard, dans la première quinzaine d'avril. Si la crise libanaise ne figure pas spécifiquement à l'ordre du jour du sommet arabe, il est ainsi fort possible que la situation induite par la nouvelle donne régionale soit évoquée à Alger, notamment après la rencontre à Damas des présidents Al Assad et Moubarak qui ont laissé entendre une telle éventualité. De fait, s'adressant à la presse mercredi, à l'issue d'un entretien entre le président Moubarak et son homologue palestinien Mahmoud Abbas, le porte-parole de la présidence égyptienne, Souleimane Awad a indiqué qu' «il y a des articles fixes à l'ordre du jour des sommets arabes, y compris le sommet d'Alger, dont l'article concernant la solidarité avec la République libanaise», ce qui laisse entendre la probable évocation de la situation au Liban, en rapport avec l'accord de Taef et la résolution 1559, par les chefs d'Etat et les monarques arabes. Cette possibilité est renforcée par une source diplomatique arabe qui a indiqué que les présidents Al Assad et Moubarak se sont entendus pour que la crise libanaise, sur fond de retrait des forces syriennes, soit évoquée au sommet arabe alors qu'elle n'y figure pas officiellement. Au plan interne, c'est un peu l'impasse, d'autant plus que les négociations pour la formation d'un gouvernement de transition sont au point mort, l'opposition refusant d'entrer dans le cabinet dirigé par Omar Karamé, rappelé, pour défaut de solution de rechange, par le président Emile Lahoud. En réalité, ce bras de fer pénalise grandement le Liban qui n'avait certainement pas besoin d'une telle épreuve. De fait, pour l'opposition, la mission du cabinet transitoire s'articule autour de la seule supervision du départ des troupes syriennes et de l'organisation des élections législatives prévues pour mai prochain. Or, il se pourrait que les forces syriennes quittent le pays des cèdres avant même la formation de ce cabinet introuvable, et dans un tel cas de figure, -l'absence d'un gouvernement-, les élections pourraient être soit retardées soit renvoyées à une date ultérieure d'autant plus que le mandat de la présente législature vient à terme en juin prochain. Dès lors, en l'absence d'accord entre toutes les parties, le mandat des députés pourrait être prorogé de six mois à un an. Ce qui fait aussi obstacle à la formation d'un gouvernement transitoire, ce sont les exigences de l'opposition qui, outre de vouloir fixer les missions du cabinet Karamé, réclame le limogeage du procureur général de la République et de six chefs des services de sécurité libanais, demandes rejetées par Omar Karamé. Ce dernier a annoncé mercredi que «la quasi-majorité» des députés loyalistes consultés se sont prononcés pour la formation d'un cabinet «d'union nationale», pour sortir le Liban d'une crise politique aiguë. Toutefois «un tel gouvernement n'a aucune chances de voir le jour car les loyalistes et les opposants campent sur des positions diamétralement opposées», estime le député Robert Ghanem. L'opposition, forte d'un rassemblement, lundi, sous ses slogans, de près d'un million de personnes à Beyrouth, a placé la barre très haut en voulant imposer au régime la marche à suivre, faussant quelque peu la donne libanaise. Des analystes libanais ont fini par se demander si ce n'était pas une erreur politique, la (re)désignation de Omar Karamé, comme le fait l'influent quotidien beyrouthin, As-Safir qui indique: «La désignation de Karamé est une erreur, son appel à un gouvernement d'union et son refus de tenir compte des exigences de l'opposition sont également des erreurs après la manifestation de lundi». En réalité, il y a le feu au pays des cèdres, car si un gouvernement n'est pas rapidement trouvé, d'ici à la fin du mois en cours, c'est tout le processus électoral (notamment les législatives de mai) qui pourrait être remis en cause. Toutefois, il faut relever que la formation de plus en plus hypothétique d'un gouvernement n'est pas le seul obstacle dans une crise qui a tendance à s'aggraver de jour en jour. Ainsi, fort du soutien des Européens et des Américains, l'opposition exige toujours plus, notamment la démission du président Lahoud comme le réclame l'un de ses chefs de file, Walid Joumblatt, qui souhaite que le président Lahoud, fasse «partie du dernier convoi de soldats syriens» quittant le Liban. Ce qui ajoute en fait à la confusion prévalant dans les rangs de l'opposition, qui ne semble pas toujours parler d'une même voix. Ainsi, se démarquant de ses coalisés de l'opposition, qui endossent l'ensemble des articles de la résolution 1559 du Conseil de sécurité qui, outre d'exiger le retrait des troupes syriennes, demande également le désarmement des «milices armées internes et extérieures», entendre les milices du Hezbollah, Walid Joumblatt estime pour sa part «inapproprié» l'article évoquant le désarmement des milices du Hezbollah car, selon lui, c'est là une question interne au Liban qui trouvera sa solution dans le cadre des institutions et lois libanaises. Reste encore la question de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafik Hariri, pour lequel l'opposition exige une commission d'enquête internationale. De fait, au moins une enquête internationale, diligentée par le secrétaire général de l'ONU, vient d'achever ses travaux, dont les conclusions seront remises à M. Kofi Annan dans le courant de cette semaine (aucune date n'ayant été fixée) a indiqué mardi le service de presse de l'ONU à New York. Le chef de la commission, l'Irlandais Peter Fitzgerald, avait informé, mercredi dernier, le président libanais Emile Lahoud de la fin de son enquête et qu'il se rendait prochainement à New York pour y remettre son rapport au secrétaire général de l'ONU. Comme l'on sait, l'opposition accuse la Syrie d'être le commanditaire de l'assassinat de Rafik Hariri. Damas qui a accepté de coopérer avec la commission de l'ONU avait rejeté toute responsabilité dans cette tragédie. Sans doute que l'on en saura un peu plus avec la divulgation du rapport d'enquête de la commission de l'ONU dont Kofi Annan aura incessamment réception...