Le très conservateur François Fillon, ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, part grand favori pour le second tour dimanche prochain de la primaire de la droite et sa percée inattendue au premier tour montre que tout reste ouvert. La campagne a repris tambour battant lundi, son rival donné favori pendant des mois Alain Juppé, également un ex-chef du gouvernement, cherchant pour combler un important retard à l'attaquer sur son bilan et sur la crédibilité de son programme. Fustigeant «la reconstitution de l'équipe Fillon-Sarkozy qui nous a dirigés de 2007 à 2012», Alain Juppé, 71 ans, a aussi, dans un entretien avec la chaîne de télévision France 2, dénoncé la conception «traditionaliste de la société» et le programme aux mesures d' «une grande brutalité» défendus selon lui par François Fillon, 62 ans. Interrogé sur la chaîne TF1, ce dernier a répliqué en disant que M.Juppé «caricature» son programme pour essayer de «remonter la pente». Il a assuré ne pas «craindre de retournement» d'ici au second tour. Longtemps distancé dans les sondages, M.Fillon, au profil austère et effacé, a obtenu dimanche à la surprise générale 44% des voix, contre moins de 29% pour l'ex-Premier ministre de Jacques Chirac de 1995 à 1997. Porteur d'un programme très libéral, il a aussi infligé une défaite cinglante à Nicolas Sarkozy, arrivé troisième avec un peu plus de 20% des voix et dont il fut un fidèle chef du gouvernement. La gauche, en plein marasme, voit de son côté surgir un défi inattendu. Mais selon un conseiller à l'Elysée, Bernard Poignant, la percée de François Fillon «n'est pas une si mauvaise nouvelle pour le président qui retrouve sur son chemin un candidat de la droite classique des années 1980 (...) libéral sur le plan économique, mais traditionaliste et conservateur sur les questions de société». «Ce programme est un chiffon rouge pour les électeurs de gauche», juge ce proche de François Hollande, qui a atteint des tréfonds d'impopularité et fera savoir d'ici à la mi-décembre s'il se représente. Aujourd'hui, les sondages donnent la gauche au pouvoir éliminée dès le premier tour de la présidentielle en avril. Le deuxième tour, en mai, serait alors un duel entre le champion de la droite et la dirigeante de l'extrême droite Marine Le Pen. A moins que les électeurs français ne les fassent mentir, comme avant eux les électeurs américains ou britanniques qui ont respectivement porté le milliardaire populiste Donald Trump à la Maison-Blanche et voté pour le Brexit. Alain Juppé, qui s'est positionné au centre droit, a promis un «combat projet contre projet» avec François Fillon - qu'il affrontera au cours d'un ultime débat télévisé demain soir. Le vainqueur du premier tour de la primaire qui n'a jamais caché son admiration pour Margaret Thacher, la «Dame de fer», promet notamment la suppression d'un demi-million de postes de fonctionnaires, l'augmentation du temps de travail et le resserrement des aides sociales. Le syndicat Force Ouvrière a exprimé son «inquiétude» face à cette «logique très très libérale». C'est un programme qu' «il ne pourra pas tenir», a commenté lundi un soutien d'Alain Juppé, l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui considère comme irréaliste de passer un quinquennat «sans recruter de fonctionnaires», que ce soit dans les hôpitaux, la gendarmerie ou la police. Mais François Fillon, un catholique issu de la France provinciale, père de cinq enfants, a su, sur les sujets de société, «s'installer sur les thèmes 'conservateurs'' qui ont le vent en poupe», analyse le quotidien Le Figaro. Il a pris position en faveur de la déchéance de nationalité des Français partis faire le jihad, de quotas annuels d'immigrés et de la suppression du droit à l'adoption plénière pour les couples homosexuels. Il préconise une relation révisée avec la Russie, que l'Occident se doit de traiter «comme ce qu'elle est, c'est-à-dire un grand pays».