Adlane, 28 ans, fête le Mouloud. Imadedine, 3 ans, est affolé lorsqu'il voit le bonhomme courir derrière lui, un pétard à la main... Trop tard. Jamais, de mémoire de chroniqueur, nous n'avions vécu une audience aussi solennelle, aussi lourde, aussi triste, aussi poignante. Bahia Tobi, présidente de la section correctionnelle, avait prévenu qu'elle ne tolèrerait aucun incident et qu'elle veillait au grain pour que chacun puisse étaler ses arguments de défense. Adlane, l'inculpé, était dans ses petits souliers. Il ne cesse de regarder Me Boussena, son conseil. Il paraît hagard. Peut-être que revoyant le bambin, haut comme trois pommes de Djelida (Aïn Defla), il a revécu la scène, l'horreur, le pétard qui s'est planté dans l'oeil d'Imadedine, lequel joue entre les jambes droite de papa et gauche de sa maman qui ne tient pas en place. D'ailleurs, elle sera rappelée à l'ordre lorsqu'elle tentera d'interrompre l'inculpé qui donnait sa version. Boudraâ, le procureur, ne posera aucune question. Il va requérir, dans un quart d'heure, une très lourde peine de quatre ans de prison ferme. Les témoins s'efforceront d'être... témoins. Ils confirment la version de maman qui a affirmé qu'elle tenait son Imad par la main lorsque le drame est survenu. «L'inculpé poursuivait le bébé avant qu'il ne tire le pétard dans l'oeil qui a explosé», ont-ils dit. Pour la partie civile, Me Djamel Fodil regrette la perte de l'oeil du bébé. «Nous sommes tous responsables devant ce délit». Une fête qui tourne au drame. Ce gosse va grandir, étudier, travailler, se marier, avoir des enfants, et mourir avec un seul oeil. Que l'inculpé demande au moins pardon aux parents. Il ne l'a jamais fait et c'est un voisin. «il pour oeil»? Oui, ce n'est pas un délit, c'est un crime. L'expertise est claire. L'oeil est perdu. Son père l'a emmené jusqu'à Tunis où on n'a pas pu lui assurer le succès en cas d'opération, une opération qui coûte la bagatelle de trente millions de centimes, «s'est écrié» l'avocat qui a enfoncé l'inculpé jusqu'à redemander l'incompétence du tribunal et à défaut, de lourds dommages ont été demandés. «Cent cinquante millions de centimes où qu'il s'occupe de l'état de santé de la victime dont l'innocence n'a d'égale que le crime commis à son encontre», achève le conseil qui prendra la responsabilité d'attirer l'attention des autorités locales que le Mouloud arrive à grands pas et que pour qu'il n'y ait pas d'autres Imadedine, il faudrait prendre des dispositions. Me Nouredine Boussena, pour l'inculpé poursuivi pour coups et blessures volontaires (264 du code pénal), s'étonne de la sévérité de la plaidoirie de son adversaire, le conseil de la partie civile. Concernant les témoins, le défenseur parle d'un seul témoin qui courait derrière l'enfant. «Mon client assure qu'il courait derrière le bébé, lequel suivait un poids lourd. Il était sous la seule responsabilité de la maman», conclut le conseil qui a demandé la relaxe, même si elle est prononcée au bénéfice du doute. L'inculpé n'est toujours pas bien. Maintenant, il cherche des... yeux, le bambin comme s'il voulait lui demander pardon, surtout lorsqu'il a entendu «quatre ans de prison ferme» lancé par le parquetier. Tobi met le dossier en examen sous huitaine. Le verdict tant attendu: l'inculpé se voit infliger une peine de prison ferme de cinq ans. Avis aux pétaradeurs.