Le Caire, pris de court dans ses manoeuvres, a tenté de retourner à son avantage cette situation. Le porte-parole du département d'Etat américain, pour la première fois de l'histoire de la Ligue arabe, a officiellement réagi aux résultats du Sommet d'Alger. Cette première, qui dénote tout l'intérêt que portent les Usa aux réformes initiées par les Arabes sur la demande instante de notre pays, renseigne assez sur la volonté du «gendarme du monde» de s'en mêler dans le cas où chacun des Etats concernés ne se plierait pas à la volonté du puissant du moment. Ainsi donc, Washington a-t-elle jugé «insuffisants» les résultats de ce sommet, ce qui est en soi une «victoire» pour notre pays, mais aussi un soutien diplomatique aux réformes initiées tous azimuts depuis de nombreux mois déjà. Si la presse égyptienne voit les choses sous un tout autre angle, c'est que les masques sont désormais tombés et que les blocages auxquels avaient été sujettes les démarches algériennes, étaient le fait de nombreuses monarchies du Golfe, mais aussi de ceux qui ont toujours exercé un contrôle absolu sur la Ligue arabe et qui craignent donc tout changement démocratique profond dans la charte de celle-ci. Les USA, plus pragmatiques qu'Alger, tenue par des réserves diplomatiques d'usage face à ses frères arabes, a salué du bout des lèvres les importantes réformes obtenues grâce à un homérique combat mené par notre diplomatie. Il s'agit, faut-il le rappeler encore, de la mise en place de l'embryon d'un Parlement arabe, du changement du mode de vote afin de supprimer le droit de veto dont jouissait de facto chacun des Etats membres et la désignation d'une commission dotée de larges prérogatives chargée de suivre l'état d'application des décisions et résolutions prises. Alger, qui avait le choix entre ce «minima» et le risque de voir échouer le sommet, a préféré renoncer au restant de ses idées, comme le Conseil de sécurité commun, la Cour pénale arabe et même la mise en place de mécanismes plus démocratiques et plus transparents dans l'élection du secrétaire général de la Ligue. Washington, qui semble avoir apprécié à leur juste valeur ces avancées, a quand même relevé, qu'outre leur «insuffisance», le fait que pas moins de 11 souverains se sont portés absents renseigne assez sur leur volonté de ne pas se conformer aux décisions qui ont été prises lors du sommet d'Alger. La thèse paraît d'autant plus logique qu'un simple survol de la tonne de résolutions, très intéressantes mais jamais appliquées, prises par la Ligue depuis sa création, permet de comprendre qu'il sera difficile pour les Arabes de dépasser le cap des déclarations d'intention et des mots, rarement suivis de faits et d'effets. Belkhadem lui-même, en réponse à une question sur le nombre important de chefs d'Etat absents du Sommet d'Alger avait fort diplomatiquement souligné que «la rencontre, étant programmée annuellement à la même période, les chefs d'Etats invités se devaient de ne pas s'attacher par d'autres engagements». Dans tous les cas de figure, c'est le spectre du GMO qui risque de refaire surface dans les prochaines semaines, sans que l'Algérie, très avancée dans ses réformes internes, s'en sente concernée ni puisse rien faire pour ses pairs de la Ligue arabe.