Depuis avant-hier, lundi, la ville de Tizi Ouzou accueille les 8es journées théâtrales en hommage au dramaturge Abdellah Mohia. Ces journées se poursuivront jusqu'au 8 décembre et verront l'attribution du troisième prix Mohia de la meilleure dramaturgie en langue amazighe. Il s'agit d'un hommage traditionnel annuel rendu au fondateur du théâtre amazigh par la direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou et le théâtre régional Kateb Yacine de la même ville. Depuis le décès de Abdellah Mohia ou Mohand Ouyahia, son nom d'artiste, le théâtre d'expression amazighe a du mal à se relever. Il est orphelin. Mohia en a été le précurseur et malheureusement, la relève n'a pas été assurée. Cet avis est celui des spécialistes du théâtre en Algérie quand ils sont interrogés sur la situation du théâtre d'expression amazighe. L'un de ces spécialistes, ayant déjà eu à assurer la mise en scène de plusieurs pièces de théâtre adaptées par Mohia, est Ahmed Khoudi, professeur à l'Institut des arts dramatiques. Ce dernier est catégorique quand il s'agit de l'apport incommensurable d'Abdellah Mohia au théâtre d'expression berbère mais aussi de l'absence de relève. Durant toute sa vie, Mohand Ouyahia a vécu loin des feux de la rampe. Il n'a accordé qu'une seule interview, durant tout son parcours à Hend Sadi qui l'a publiée dans la revue clandestine Tafsut, au milieu des années quatre-vingt. L'interview a été reprise plus tard par l'auteur Abderrahmane Lounès dans le livre qu'il a consacré au dramaturge. «Mohia, le plus célèbre des inconnus» est le titre de ce seul livre écrit sur Mohia. Il est évident que l'absence d'ouvrages sur le dramaturge kabyle est à déplorer quand on sait qu'il s'agit de l'un des hommes de culture amazighe les plus importants et les plus productifs. Mais l'absence de documentation et de témoignages sur Mohia s'explique, en grande partie, par la difficulté que pourrait éprouver un auteur à écrire sur l'enfant d'Ath Eurbah. En effet, Abdellah Mohia est né le 1er novembre 1950 à Azazga, mais ses parents sont originaires d'un petit village dénommé Ath Eurbah, à Tassaft, près d'Ah Yanni, au coeur du Djudjura. Il a fait ses études primaires et le collège à Azazga. Quant au secondaire, c'est au mythique lycée Amirouche que Mohia y poursuivit sa scolarité, à la même période que de nombreuses sommités dans diverses spécialités. Déjà au lycée Amirouche de Tizi Ouzou, ses camarades de classe retiennent de lui l'image d'un jeunôt qui avait toujours les yeux plongés dans un livre. Une fois le baccalauréat en poche, Abdellah Mohia se rend à Alger pour une licence de mathématiques. Puis en France où il vivra jusqu'à son décès le 7 décembre 2004 suite à une longue maladie. C'est d'ailleurs en France que Mohia a écrit une grande partie de son oeuvre. A l'époque, il enregistrait ses adaptations théâtrales sur des cassettes audio, qu'il distribuait gratuitement. Mais seuls ses proches avaient le privilège d'y avoir accès. Il a fallu attendre l'avènement de l'Internet pour qu'enfin, le grand public puisse avoir accès à toute son oeuvre. C'est le cas de ses adaptations de pièces théâtrales à l'instar de En attendant Godot (Am win yettrajun Rebbi) de Samuel Beckett, La Décision (Aneggaru a d-yerr tawwurt) et L'exception et la règle (Llem-ik, Ddu d udar-ik) de Bertolt Brecht, La Jarre (Tacbaylit) de Luigi Pirandello, Le Médecin malgré lui (Si Lehlu) et Tartuffe (Si Pertuf) de Molière, Le Ressuscité (Muhend U Caâban) de l'écrivain chinois Lu Xun, La Farce de Maître Pathelin (Si Nistri), Pauvre Martin (Muhh n Muhh) de Georges Brassens, Les Emigrés (Sin-nni) de l'écrivain polonais Sawomir Mrolek. Mohia a été également poète. Il a écrit des paroles de chansons à de nombreux artistes kabyles célèbres des années soixante-dix et quatre-vingt à l'instar de Malika Domrane, Ferhat Imazighen Imoula, Idir, Takfarinas, le groupe féminin Djurdjura, Ali Ideflawen...