Le président camerounais, Paul Biya, au pouvoir depuis 34 ans. La crise actuelle est partie d'une grève des avocats demandant l'application de la «Common law», système juridique anglo-saxon. Cette grève avait été suivie de celle des enseignants. Le Cameroun est frappé de violences dans ses deux régions anglophones, bastions traditionnels de l'opposition au régime du président Paul Biya, où des activistes prônent la partition du pays et dénoncent leur marginalisation sur fond de précampagne électorale avant la présidentielle de 2018. De jeunes manifestants ont brûlé jeudi à Bamenda (nord-ouest) le drapeau du Cameroun avant d'y hisser celui d'un mouvement séparatiste qui se bat pour la sécession depuis des années. Auparavant, de violents heurts avaient opposé ces jeunes aux forces de l'ordre. Deux personnes ont été tuées, selon les autorités, quatre d'après le Social Democratic Front (SDF), principal parti d'opposition. Un commissariat a aussi été incendié. Ville réputée frondeuse, Bamenda, chef-lieu d'une des deux régions anglophones du pays (sur dix), est depuis plusieurs jours l'épicentre d'une crise, avec la minorité anglophone - moins de 20% de la population camerounaise estimée à plus de 22 millions - s'affirmant marginalisée par le régime de M.Biya, au pouvoir depuis 1982. Au fil des jours, les revendications des manifestants - jeunes pour la plupart - se sont faites plus politiques. Si une minorité réclame la création d'un Etat indépendant baptisé Southern Cameroon - ancienne appellation du Cameroun anglophone, rattaché à la partie francophone lors de la réunification - les modérés, qui semblent majoritaires, penchent pour le fédéralisme. Mais le régime de Yaoundé n'est favorable à aucune de ces options. «Nous disons haut et fort que la revendication portant sur le retour au fédéralisme est irrecevable. C'est l'unité qui fait la force de notre pays», martèle le Premier ministre, Philémon Yang, lui-même anglophone. «Je dénonce et condamne avec la dernière énergie toute velléité de partition du Cameroun», renchérit l'inamovible président de l'Assemblée nationale, Cayaye Yeguié Djibril, francophone. M.Biya est à présent resté muet sur le sujet, récurrent depuis les années 1990 avant chaque échéance électorale majeure. En plus de Bamenda, Buea, chef-lieu du Sud-Ouest, la deuxième région anglophone, et une autre ville de cette région, Kumba, sont touchées par la contestation. L'opposition reproche au gouvernement d'attiser le feu en réprimant systématiquement les manifestations. «Le gouvernement ne veut pas écouter la population», accuse Denis Nkemlemo, responsable adjoint de la communication du SDF qui prône depuis plusieurs années le fédéralisme: «les populations ont posé un problème de marginalisation. On leur rétorque qu'il n'y a aucun problème. On envoie les forces de l'ordre les réprimer». A Buea, une manifestation d'étudiants réclamant le paiement d'une prime a été violemment réprimée fin novembre. La diffusion sur les réseaux sociaux des scènes de ces violences a choqué dans le pays. Les Etats-Unis se sont dits «préoccupés par les pertes en vies humaines, les blessures et les dégâts» causés par les violentes manifestations de Buea et Bamenda, appelant les parties à faire preuve de retenue. Amnesty International a dénoncé l'usage d'une «force excessive» jeudi à Bamenda. L'Eglise catholique au Cameroun a, elle, déploré «l'utilisation d'une force excessive dans le but de réclamer des droits, ou de maintenir la paix». Ex-colonie allemande, le Cameroun a été divisé par la Société des Nations après la Première guerre mondiale: une partie sous tutelle française et une autre, sous mandat britannique. En 1960, le Cameroun sous tutelle français accède à l'indépendance. Un an après, une partie des anglophones décide par référendum de rester dans le giron du Cameroun, mais insiste pour conserver les systèmes juridique et éducatif hérités de la Couronne. Le fédéralisme est instauré en 1961. En 1972, le premier président camerounais, Ahmadou Ahidjo proclame la République unie. Son successeur, Paul Biya, 83 ans, est accusé par ses opposants de vouloir s'éterniser au pouvoir. Même s'il ne s'est pas encore clairement prononcé sur ses intentions, M.Biya ne semble pas vouloir passer la main lors de la présidentielle de 2018.