Hier, le guide a été l'hôte des militants et cadres du FLN. Ses vérités ont parfois frisé l'extravagance. Quel est le secret du séjour qu'effectue le colonel El Kadhafi à Alger? Le Sommet arabe clos, il entame aussitôt des rencontres avec les représentants des partis et de la société civile pour discourir sur la situation dans le monde arabe, mais aussi entrevoir le développement des libertés et de la démocratie dans la région. Pressé de plaire aux Américains, le guide de la Jamahiriya libyenne prépare-t-il, en catimini, une opération politique d'envergure dans son pays? Les observateurs n'excluent pas l'annonce, dans les tout prochains mois, par Tripoli d'une option pluraliste. L'émergence d'un système démocratique est-elle possible en Libye? Mais dans ce cas, que deviendrait le livre vert de Mouammar El Kadhafi? Hier, le guide a été l'hôte des militants et cadres du FLN. Ses vérités ont parfois, paraît-il, frisé l'extravagance. Sous une gigantesque tente, large de plusieurs mètres et aménagée sur l'un des espaces verts de l'hôtel Sheraton, le guide libyen a reçu hier les cadres du FLN dont le Conseil national se réunissait dans le même établissement en session extraordinaire. Cette rencontre a été l'occasion pour le chef maghrébin de revenir sur le sujet de l'heure qui préoccupe la nation arabe. Il faut dire que son discours n'a pas laissé de marbre l'assistance qui s'était bousculée auparavant dans un brouhaha indescriptible avant d'accéder à l'enceinte de la tente improvisée en salle de conférence pour la circonstance. Vêtu d'un costume traditionnel, il était talonné par ses gardes du corps en plus de ses agents de sécurité d'une rigueur qui frisait parfois le zèle des néophytes. Assis aux côtés du président du Sénat, Ahmed Bensalah, et du frais émoulu secrétaire général du vieux parti, Abdelaziz Belkhadem, le leader libyen prenait ses aises en face d'une pléiade de cadres accrochés à ce qu'il allait dire. D'emblée, il annonça la couleur. «Je suis profondément inquiet, car le colonialisme revient, pas avec la forme qu'on lui connaît, mais avec un visage différent, doucereux et angélique. L'Occident n'utilise pas la force comme ce fut le cas dans les siècles précédents mais il use de stratagèmes artificieux et fallacieux pour se réapproprier ce qu'il a perdu dans les luttes pour l'autodétermination engagées par les peuples qui étaient sous sa domination.» Il décocha des flèches à l'encontre de l'Union européenne qu'il a qualifiée de «nouvel empire». Pour le chef d'Etat, ce dit empire «représente cette force colonialiste dont l'esprit est resté le même et qui tente de berner les Arabes à travers des formules économiques tels le partenariat et la coopération», a t-il affirmé, en ajoutant que «l'accord d'association avec l'UE est une erreur monumentale. Il ne faut surtout pas tomber dans ce piège. Il consacre l'hégémonie des pays européens sur leurs soi-disant partenaires arabes». Citant une litanie d'arguments, il a estimé que tout ce qui vient de l'Europe ne peut procéder que «d'une logique colonialiste et expansionniste». Ainsi il a vociféré contre le groupe des 5+ 5, le processus de Barcelone, l'OMC et même l'Otan n'a pas été épargnée l'assimilant à une force militaire non plus comme un groupe de réaction mais d'occupation. Il considère que l'Otan n'a plus sa raison d'être puisque le bloc de l'Est n'est plus qu'un souvenir, mais qu'on s'acharne à la maintenir car «il existe un plan de redéploiement des pays occidentaux dans leurs anciennes colonies et toutes ces histoires de réformes et de démocratisation ne sont que de la poudre aux yeux», a martelé le Guide libyen. D'ailleurs a-t-il enchaîné «pourquoi ont-ils refusé ma proposition de mettre en place le groupe 6+6 et d' intégrer la Grèce et l'Egypte. C'est parce que, a-t-il déduit, La Grande-Bretagne n'y figure pas et on sait que l'Egypte appartient dans leur esprit au Royaume». Sur le chapitre de la normalisation avec l'Etat hébreu, El Kadhafi affirme que cette démarche est impossible pour des raisons pratiques et évidentes. Nous ne pouvons reconnaître, a-t-il expliqué, «un Etat créé sur une terre arabe en 1948». Encensant le président de la République, Bouteflika, le Guide libyen qui a rencontré les différents acteurs de la scène politique et sociale, a qualifié le chef d'Etat d'«homme sérieux, doté d'un programme intéressant». Il a encouragé les députés présents en force à la rencontre à adopter la nouvelle Constitution algérienne dans le cas où le texte fondamental prévoit une non-limitation de mandats. Il a estimé que «l'alternance à la présidence n'est pas forcément un bon choix notamment en ce qui concerne la stabilité des institutions qui exige un long souffle et un travail de longue haleine devant être mené durant des années». Par ailleurs, les travaux du Conseil national du parti du FLN qui se sont déroulés à huis clos, ont été consacrés à l'examen et à l'adoption des projets de règlements intérieurs du parti et du Conseil national, du plan annuel d'action ainsi que la déclaration politique. Il s'agit de la première session depuis le 8e congrès réunificateur tenu fin janvier dernier.