Théodorin Obiang jugé en France dans le cadre de l'affaire des «biens mal acquis» C'est le premier procès en France dans l'affaire des «biens mal acquis», qui porte sur les conditions d'acquisition de riches patrimoines en France par plusieurs dirigeants africains. Voitures de sport, luxueux appartements, haute couture payée cash: le fils du président de Guinée équatoriale Teodorin Obiang, accusé de s'être frauduleusement bâti en France un patrimoine considérable, devait être jugé à partir d'hier à Paris, mais il a demandé un report. Ancien ministre de l'Agriculture et des Forêts, promu fin juin vice-président de Guinée équatoriale par son père Teodoro Obiang Nguema, Teodorin Obiang est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris pour blanchiment d'abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics, d'abus de confiance et de corruption. Le procès, dont les dates ont été fixées fin octobre, devait s'ouvrir hier et durer jusqu'au 12 janvier. Selon l'un des avocats du prévenu, Emmanuel Marsigny, les délais sont «beaucoup trop courts» et non conformes à la loi. Les avocats de Teodorin Obiang, qui devait être absent hier, demandent «qu'il puisse bénéficier du temps raisonnable pour pouvoir organiser effectivement sa défense», a expliqué Me Marsigny. L'enquête, ouverte après des plaintes des associations Sherpa et Transparency International, a mis au jour le patrimoine considérable de Teodorin Obiang, 47 ans: immeuble avenue Foch, dans l'un des quartiers les plus huppés de Paris, estimé à 107 millions d'euros, voitures de luxe et de sport (Porsche, Ferrari, Bentley, Bugatti). Des dépenses somptuaires en France très éloignées du quotidien de son petit pays pétrolier d'Afrique centrale, dont plus de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Quand il est à Paris, Teodorin Obiang, éternel célibataire au look très soigné, dépense des mallettes entières de liquide chez les couturiers de la capitale mondiale de la mode. Dans ses appartements de la très chic avenue Foch, où les robinets sont recouverts de feuilles d'or, le maître des lieux dispose d'un hammam, d'une salle de sport, d'une discothèque, d'un salon de coiffure, d'une salle de cinéma. Au terme de l'instruction, les juges ont estimé qu'il avait bâti son patrimoine en France en y investissant le produit «des détournement de fonds publics», de la corruption. Le fils du président équato-guinéen «a toujours dit qu'il a gagné légalement son argent dans son pays», il est «innocent des faits qu'on lui reproche», assure Me Marsigny. Entre 2004 et 2011, près de 110 millions d'euros provenant du Trésor public de Guinée équatoriale sont venus créditer le compte personnel de Teodorin Obiang, selon les juges. La justice suisse s'intéresse également de près à Teodorin Obiang. Onze véhicules de luxe lui appartenant ont été saisis à Genève en novembre. Le prévenu a multiplié les voies de recours. Inculpé en 2014, il a essayé en vain de faire annuler les poursuites en France, invoquant son statut à l'époque de deuxième vice-président de Guinée équatoriale qui octroyait à ses yeux une immunité. Mais la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, avait estimé que les faits reprochés avaient été commis à «des fins personnelles», relevant de sa vie privée et donc détachables des fonctions étatiques protégées par la coutume internationale. Récemment, il a, sans succès, demandé à la Cour internationale de Justice (CIJ) de suspendre les procédures en France contre lui. «S'ouvre un procès inédit, sans précédent en Europe et bien au-delà», se félicite William Bourdon, avocat de Transparency International, selon qui «le chapitre Obiang va se clôturer» mais d'autres vont s'ouvrir. La justice française enquête également sur les patrimoines bâtis en France par les familles de plusieurs autres dirigeants africains, celle de Denis Sassou Nguesso (Congo), du défunt Omar Bongo (Gabon) ou encore du président centrafricain déchu François Bozizé.