Le dégel entre Alger et Rabat, qui a connu un coup d'accélérateur ces dernières semaines, est susceptible de donner à l'UMA de retrouver ses sources. La construction de l'Union du Maghreb, souvent cahin-caha, a connu des retards préjudiciables pour l'avènement du Grand Maghreb et l'unité des peuples maghrébins. Sans revenir sur les responsabilités des uns et des autres dans cette situation d'impasse, il faut noter toutefois que beaucoup d'incompréhensions ont marqué les relations entre les deux grands pays du Grand Maghreb : l'Algérie et le Maroc. Et quand ces deux pays se boudent, il est évident que rien au Maghreb ne peut avancer. Il serait hasardeux cependant de dire que cette incompréhension entre Alger et Rabat aurait reposé sur des affabulations. La réalité est autre et afférente à la question du Sahara occidental appréhendée différemment par les deux capitales maghrébines. Il faut bien le souligner, le Sahara occidental a été, et demeure, la pierre d'achoppement dans les relations algéro-marocaines qui, autrement, se situaient dans une norme acceptable par les deux pays. L'ONU considère le Sahara occidental comme étant aujourd'hui l'un des tout derniers territoires non-indépendants. C'est même à ce titre que la décolonisation de ce territoire figure dans le calendrier de travail du Conseil de sécurité de l'ONU depuis le tout début des années 60. L'Algérie qui a payé le prix fort pour son indépendance, -une guerre de huit ans avec à la clé un million et demi de martyrs-, a fait du soutien aux peuples qui luttent pour leurs indépendances un principe cardinal et un choix stratégique. Le soutien au droit à l'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental, -droit inscrit dans la charte des Nations unies pour tous les peuples coloniaux (cf ; résolution 1514/XV de 1960) - n'était donc pas dirigé contre le Maroc avec lequel l'Algérie a toujours eu des relations privilégiées -, mais constitue une constante que l'Algérie a défendue dès ses premiers mois d'indépendance, en soutenant les peuples africains et asiatiques encore sous domination étrangère. Aussi, la question du Sahara occidental qui relève des instances de l'ONU, comme n'a cessé de le répéter Alger, n'est pas et n'a jamais été, du point de vue algérien, un contentieux bilatéral algéro-marocain. L'Algérie qui n'a aucune revendication territoriale sur ce pays à décoloniser, a toujours appelé de ses voeux à l'organisation d'un référendum juste et loyal, comme le prévoit le plan de paix de l'ONU de 1991 et l'accord d'Houston de 1997, -auxquels sont partie prenante le Maroc et le Front Polisario-. Personne ne pouvant préjuger à l'avance de ce qui peut sortir de la consultation référendaire, le résultat final peut aussi bien être favorable au Maroc qu'au Front Polisario. De fait, le soutien de l'Algérie au droit des populations sahraouies à l'autodétermination n'a jamais été un geste hostile envers le Maroc, d'autant plus, qu'Alger à toujours dit sa disponibilité à rapprocher les positions des belligérants marocains et sahraouis. Aussi, la question du Sahara occidental prise en charge par l'ONU, n'aurait jamais dû interférer dans les relations bilatérales entre Alger et Rabat et surtout bloquer, comme elle le fit, la construction du Grand Maghreb et le parachèvement de l'Union du Maghreb. Dès lors, le réchauffement visible des relations entre l'Algérie et le Maroc laisse-t-il présager la relance à terme de l'ambitieux projet de l'UMA, projet demeuré en cale sèche, mais devenu vital pour la mise à niveau de la région du Grand Maghreb. Créée en grande pompe en 1988, l'Union du Maghreb n'a pas avancé depuis d'un iota, alors que le problème sahraoui, douloureux certes pour toutes les populations maghrébines, -pas seulement marocaine et sahraouie-, n'aurait jamais dû paralyser à ce point l'UMA qui fait du sur-place depuis dix-sept ans. Or, il n'est jamais trop tard pour bien faire, et la construction du Grand Maghreb vaut bien quelques sacrifices et appelle, en tout état de cause, au dépassement d'un nationalisme étroit et réducteur pour permettre l'émergence d'un Maghreb sans frontières pleinement en osmose avec son temps. Et ce Maghreb, avec des frontières intérieures abolies, est possible pour peu que la volonté politique existe. Aussi, les retrouvailles entre Alger et Rabat peuvent être le déclic qui donnera à l'UMA de retrouver ses sources.